Signature d'un accord de 8 millions de dollars US entre l'OMS et le Japon pour venir en aide aux patients évacués de la bande de Gaza vers l'Égypte

Venez à la rencontre des héros qui assurent le fonctionnement de notre système d'intervention d'urgence

Épisode 4

Dr Nahid Idris Salih Khalid: Responsable du Centre d’opérations de Gezira au SoudanDr Nahid Idris Salih Khalid: Responsable du Centre d’opérations de Gezira au Soudan

5 Décembre 2023 - Un samedi matin ordinaire à Khartoum, au Soudan, pendant le mois sacré de Ramadan, j’ai été réveillée en sursaut par un bruit assourdissant et le tremblement de la maison. Depuis le toit, j’ai vu le spectacle saisissant d’un avion de combat passant au-dessus de moi et de l’épaisse fumée qui s’élevait au loin. Le bruit est devenu de plus en plus fort, de plus en plus agressif, horrible. Une bombe est tombée sur la maison de mon voisin. Un conflit armé avait éclaté entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide. Je ne pouvais pas croire ce que je voyais.

Cherchant à nous mettre en sécurité, ma nièce, mon petit-neveu de six ans et moi-même avons rejoint la maison familiale. Là, blottis les uns contre les autres dans le salon, nous avons vécu les six jours et les six nuits les plus éprouvants de notre vie, avec des bombardements incessants et des obus qui tombaient à proximité. L’électricité a été coupée et nos provisions d’aliments et d’eau sont tombées à un niveau très bas. Une balle est passée à quelques centimètres seulement de l’un d’entre nous et a laissé un trou dans le mur de la cuisine. Nous avons vécu des journées de terreur et des nuits agitées où nous n’avons pas pu dormir.

Il s’agissait de la maison où mes frères et sœurs et moi-même avons grandi, où nous nous sommes mariés et où nous avons fondé nos familles. C’est aussi là que nos parents sont enterrés. Pourtant, la décision de quitter notre maison et la capitale était inéluctable et nous nous sommes organisés pour déménager à Wad Madani, une ville de l’État de Gezira.

Comme de si nombreuses autres familles soudanaises, nous avons tout laissé derrière nous et avons entrepris un trajet extrêmement risqué pour nous mettre à l’abri, en espérant revenir après la fin des combats. C’était le jour de l’Aïd quand nous avons quitté l’État de Khartoum. Nous avons été immensément soulagés de nous sentir à nouveau en sécurité, mais nous avions également conscience d’être à présent des personnes déplacées.

Au onzième jour du conflit, j’ai reçu un appel d’un collègue de l’OMS proposant une réunion d’urgence avec certains partenaires et le ministère de la Santé de l’État de Gezira afin d’aborder les graves conséquences de la guerre sur le système de santé. La visite des hôpitaux de la région a révélé l’ampleur des souffrances : une foule immense de patients, pour la plupart sous dialyse, luttait pour survivre.

Nous formions un groupe d’environ 10 membres du personnel de l’OMS, tous déplacés vers Wad Madani. La priorité immédiate était l’arrivée et la distribution de fournitures aux établissements de santé. Le ministère de la Santé, les hôpitaux et les partenaires attendaient tous avec impatience les kits de prise en charge des traumatismes et les trousses sanitaires d'urgence pour restaurer leurs stocks qui s’amenuisaient rapidement.

Nous avons défini trois objectifs initiaux pour l’équipe : premièrement, recevoir les fournitures de Port-Soudan et les distribuer aux établissements et aux partenaires ; deuxièmement, établir un centre d’opérations à Gezira et troisièmement, mettre en place le plan d’intervention sanitaire de l’OMS pour assurer la fourniture de services essentiels. Tous ont été atteints.

Pendant que j’exerçais mes fonctions humanitaires, la profonde tristesse que j’éprouvais pour ce qui était arrivé à ma ville ne m’a jamais quitté. La moitié de ma famille étant toujours à Khartoum, je me précipitais toujours pour suivre les nouvelles à la télévision dès que l’électricité était rétablie. À chaque fois, j’ai eu le cœur brisé à la vue de mon pays à l’écran.

Être directement impliquée, voir souffrir les patients, entendre les récits des amis proches et des voisins et être témoin de la détresse d’autres personnes déplacées m’a donné la force d’aider par tous les moyens, même au-delà de mes attributions professionnelles. Une émotion considérable a animé avec passion chaque détail de l’opération La joie d’apporter de l’aide, aussi modeste soit-elle, est indescriptible.

Environ un mois après mon déplacement, j’ai été affectée en tant que Responsable au Centre d’opérations de l’OMS à Gezira, et l’équipe s’est étoffée. Les collègues qui arrivaient avaient tous connu des situations de déplacement similaires, avec leurs familles dispersées et des situations financières extrêmement difficiles du fait des perturbations du système bancaire. Le centre est devenu plus une famille qu’une équipe de travail au fil des nombreuses difficultés que nous avons affrontées ensemble. Nous aurions pu choisir de fuir le pays – une décision totalement justifiable compte tenu des circonstances – mais nous avons tous estimé qu’il était de notre devoir de rester et d’aider les personnes dans le besoin.

Travailler en première ligne lors d’interventions d’urgence exige d’être pleinement conscient de l’importance des actions immédiates et d’avoir une parfaite connaissance des besoins des personnes. Cela nécessite aussi une solide détermination, de la patience et de la passion. Percevoir la douleur des autres est nécessaire pour nous motiver et mener à bien les interventions malgré nos propres difficultés.

Cette expérience profondément personnelle et extrêmement difficile en tant qu’humanitaire au Soudan pendant la guerre a complètement changé ma vie.

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Épisode 3