Dr Ahmed Al-Mandhari, Directeur régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale
Depuis que les États Membres de l’Organisation mondiale de la Santé ont convenu pour la première fois de cet objectif mondial en 1988, de vastes efforts et d’importantes sommes ont été investis aux fins de la mission mondiale visant à éradiquer la poliomyélite en vue de débarrasser la Terre de cette maladie. Alors pourquoi est-ce si important de continuer à investir autant de temps et d’efforts après une si longue période ?
Je fais partie d’une équipe de personnes qui se consacrent à l’éradication de la poliomyélite dans la Région de la Méditerranée orientale. En travaillant en collaboration avec les gouvernements nationaux et nos partenaires dans le cadre de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite, nous avons progressivement éliminé la poliomyélite au sein de nos communautés jusqu’à ce qu’il ne reste plus que quelques poches à atteindre en Afghanistan et au Pakistan. Cette année, le poliovirus sauvage a provoqué la paralysie de 22 enfants. Si ce nombre représente une avancée considérable par rapport à la situation que l’on connaissait il y a à peine quelques années, il reste bien trop élevé. Nous visons l’objectif zéro transmission ; tout autre chiffre est inacceptable.
La réalisation de cet objectif est laborieuse, coûteuse et souvent frustrante. Elle est frustrante pour les personnes en première ligne, mais également pour les gouvernements nationaux et pour les partenaires mondiaux qui ont joué un rôle déterminant dans ce combat de longue haleine.
Or si nous abandonnons la lutte aujourd’hui, une chose sera certaine : la poliomyélite fera son retour. Elle regagnera du terrain dans nos villages, dans nos villes, dans nos communautés, partout où nous avons livré une lutte acharnée pour éradiquer la maladie. Elle franchira les frontières,provoquant une atrophie musculaire et une paralysie des membres dans les corps de nos enfants. Le nombre d’enfants paralysés progressera à nouveau, passant de plusieurs centaines à plusieurs milliers frappés chaque année par une maladie que nous aurions pu stopper.
L’éradication de la variole est largement considérée comme un des plus grands succès de l’humanité dans le domaine de la santé publique. L’éradication de la poliomyélite peut et doit partager cet honneur. Cependant, l’étape la plus difficile nous incombe ; le dernier kilomètre à parcourir est plus ardu que quiconque aurait pu l’imaginer en 1988.
Nous ne parviendrons à arrêter la transmission de la poliomyélite que lorsqu’il ne restera plus un seul enfant non protégé pour être contaminé. Cela implique de vacciner tous les enfants, jusqu’au dernier. Tous. Jusqu’au dernier.
Cela signifie atteindre des enfants dans les endroits les plus reculés, au sein des communautés les plus vulnérables, et impliquer et convaincre les parents pour qu’ils permettent à leurs enfants d’être vaccinés. Et ce, encore et encore. Les agents de santé accomplissent un travail incroyable en instaurant la confiance au sein des communautés, mais cela requiert du temps, des efforts et des fonds. Si la science nous a considérablement aidés, l’éradication est un objectif tout-ou-rien et le franchissement de cette étape dépendra des efforts inlassables et du labeur qui seront investis pour accéder à certains des environnements les plus hostiles au monde.
Au niveau mondial, nous bénéficions d’une vaste équipe composée de personnes remarquables qui œuvrent à relever ces défis. Elle comprend des professionnels de santé, des agents de santé communautaires, des responsables politiques, de généreux donateurs, des dirigeants religieux, des stratèges, des chargés de communication et des négociateurs.
Nous sommes tous engagés dans cette action difficile et coûteuse. Or, cette action, nous devons la mener à terme pour enfin éradiquer la poliomyélite, nous ne pouvons nous permettre de la remettre au lendemain. Les générations futures comptent sur nous pour achever le travail.
Note aux rédactions :
L’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite reçoit un appui financier des gouvernements des pays frappés par la poliomyélite, de fondations du secteur privé, de gouvernements donateurs, d’organisations multilatérales, de particuliers, d’organisations humanitaires et non gouvernementales et de sociétés partenaires. Liste complète de l’ensemble des contributeurs.