Conférence de presse, 18 mars 2020
Chers amis et collègues,
Je vous remercie de vous être joints à nous aujourd'hui pour les dernières mises à jour sur la COVID-19, ainsi que pour faire le point sur certaines actions qui ont été menées au niveau régional afin d’aider les pays à gérer cette pandémie.
Ces dernières semaines, depuis que la plupart d’entre vous étiez venus au bureau lors de la conférence précédente, il y a eu de nombreuses évolutions en ce qui concerne à la fois la propagation de la pandémie et de nombreux progrès en terme de réponse de l’OMS à l’appui des pays.
À ce jour, on compte 167 515 cas confirmés de COVID-19 dans 150 pays dans le monde, dont 6606 personnes décédées de la maladie.
Dans notre Région, 18 019 cas dans 18 pays ont été notifiés, dont 1010 décès signalés dans sept pays. Nous sommes actuellement témoins de plus en plus de cas de transmission locale. Cela indique une évolution inquiétante qui nous oblige à accélérer encore plus nos efforts.
Au cours des dernières semaines, une équipe d'experts de l'OMS, ainsi que d'autres experts en santé publique, ont effectué des missions conjointes dans plusieurs pays de notre Région où des cas ont été signalés. D'autres missions conjointes dans les pays sont en cours au moment où je m’adresse à vous, et d'autres pays ont également demandé l'appui de l'OMS.
Dans toutes les missions conjointes, les équipes ont pour objectif d'identifier les dynamiques de transmission et les populations à risque ; de fournir des orientations sur le renforcement et l'intensification de la réponse à la pandémie, y compris l'identification des mesures de lutte prioritaires ; et de fournir des orientations sur le renforcement de la préparation dans les zones qui ne sont pas encore affectées.
Aujourd'hui, nous avons avec nous des collègues qui viennent de rentrer de Bahreïn, de République islamique d'Iran, d'Iraq et du Koweït et qui seront en mesure de vous clarifier le rôle que l'OMS joue pour soutenir les pays dans leurs efforts de préparation et de réponse face à la COVID -19. Ils ont organisé de nombreuses réunions et visites sur le terrain pour identifier les domaines d’action qui peuvent être renforcées afin de garantir que les patients soient rapidement identifiés, testés, isolés et traités en toute sécurité, que les contacts soient retrouvés et que les populations à risque soient protégées.
Avant d’aborder ces domaines d'intervention, permettez-moi de prendre un moment pour mettre en évidence les efforts déployés actuellement par les pays pour lutter contre cette maladie. Franchement, nous observons des approches inégales dans la Région. Bien que nous ayons constaté des progrès impressionnants dans plusieurs pays, tous n'appliquent pas encore l'approche pangouvernementale et pansociétale qui est absolument nécessaire pour se préparer et réagir efficacement. Nous avons besoin des plus hauts niveaux du gouvernement– pas seulement des ministères de la santé– pour s'approprier pleinement la lutte contre le coronavirus. C'est l'un des messages les plus importants que je puisse vous transmettre aujourd'hui.
Les pays qui ont le plus progressé sont ceux qui ont engagé efficacement tous les ministères et secteurs, y compris le secteur privé et la société civile. Ce sont eux qui fournissent des informations précises, transparentes et en temps opportun à leurs populations sur l'état actuel de la pandémie, les mesures de préparation prises et les mesures que les individus peuvent prendre pour se protéger eux-mêmes et leurs familles, y compris l'importance de réduction des contacts sociaux.
Dans toute la Région, nos équipes ont observé des médecins, des personnels infirmiers et d'autres personnels de santé courageux et dévoués qui travaillent en première ligne de cette pandémie et qui font de leur mieux pour sauver des vies malgré le contexte difficile. Ils ont été témoins d'efforts visant à renforcer la surveillance de la maladie, à intensifier rapidement les tests de laboratoire et à soutenir les familles qui isolent des proches atteints de la maladie ou qui sont elles-mêmes en quarantaine.
Cependant, il reste encore un long chemin à parcourir. Dans la plupart des pays, nous avons encore le temps d'accélérer plus rapidement nos efforts. Nous croyons que les mesures de confinement éprouvées, la détection, le dépistage, l'isolement et le traitement précoces ; la recherche des contacts et l'engagement communautaire, représentent les meilleures mesures pour lutter contre la pandémie. Dans l'ensemble des régions où les pays ont signalé des cas, nous avons identifié plusieurs domaines qui doivent être soutenus, notamment le renforcement de la surveillance des maladies, la préparation des hôpitaux, la protection des agents de santé et l'éducation des communautés.
Cependant, la pénurie mondiale de fournitures médicales et d'équipements de protection pour les agents de santé pose des problèmes pour notre capacité à livrer les quantités requises de fournitures aux pays qui en ont besoin. Notre plateforme logistique située dans la Cité internationale humanitaire de Dubaï joue donc un rôle central pour faire en sorte que les pays du monde entier reçoivent les fournitures dont ils ont besoin pour se préparer et riposter à d'éventuels cas de COVID-19. Jusqu'à présent, tous les pays de la Région ont reçu des réactifs de laboratoire, des équipements de protection individuelle, des blouses chirurgicales et d'autres fournitures. En outre, la plateforme logistique assure également la livraison de fournitures similaires à d'autres pays dans les six Régions OMS dans le monde.
Comme vous le savez peut-être, les informations sur les cas dans la Région doivent être communiquées à l'OMS conformément au Règlement sanitaire international (RSI 2005). Malheureusement, aujourd'hui encore, alors que la situation devient critique, cette communication par les pays est insuffisante.
Je souhaiterais souligner ici l'importance de partager des informations avec l'OMS concernant les cas suspects, probables et confirmés en laboratoire identifiés par les canaux du RSI. Nous ne pouvons lutter contre cette maladie que si nous avons accès à des informations qui nous permettent de comprendre sa dynamique dans la Région. Nous sommes tous encore en train d’apprendre au sujet de ce nouveau virus, nous devons donc suivre de près sa propagation et appliquer rapidement des mesures de santé publique éprouvées qui peuvent nous aider à le contenir. Nous avons tous avantage à disposer d'informations claires sur l'évolution de la pandémie dans d'autres pays. Par conséquent, nous avons tous une obligation de faire rapport en temps opportun.
Permettez-moi ici de souligner également la différence entre la sous-déclaration et la sous-estimation des cas confirmés. Les médias ont largement couvert le fait que certains pays ne révélaient pas le nombre réel de cas signalés. Comme vous le savez tous, la nature de ce virus affecte les personnes différemment – la majorité des patients constituent des cas bénins et ne requièrent pas de soins médicaux, tandis que d'autres sont des cas plus graves et doivent consulter un médecin. En conséquence, ce sont presque entièrement les cas graves qui sont capturés dans les systèmes de surveillance des maladies. Mais il est probable que dans tous les pays du monde, il existe de nombreux cas bénins non identifiés. En conséquence, nous pouvons dire qu'il peut y avoir une sous-estimation des cas – c'est un problème pour presque tous les pays, même ceux qui ont des systèmes de santé développés.
Plusieurs pays de la Région ont mené leurs propres évaluations des risques et ont par la suite pris des mesures concernant la fermeture des écoles et l'annulation des rassemblements de masse. Les autorités nationales devraient prendre des décisions fondées sur des bases factuelles sur ces types de questions, et le rôle de l’OMS consiste à fournir des recommandations de santé publique si de telles décisions sont prises par les gouvernements.
De nombreux pays appliquent également des restrictions liées aux voyages et au commerce, notamment des suspensions de vols et la fermeture des frontières. La position de l'OMS à ce sujet reste la même : les restrictions aux voyages et au commerce ou la fermeture des frontières ne sont généralement pas recommandées. Lorsqu'elles sont appliquées, elles doivent reposer sur une évaluation claire des risques et être proportionnées à ces derniers ; de telles mesures prises par les pays doivent être signalées à l'OMS avec les preuves scientifiques et la justification dans les 48 heures qui suivent leur mise en œuvre.
Les restrictions sur les voyages entravent également notre capacité à remplir notre rôle correctement en tant qu'OMS, en retardant le déploiement d'experts en santé publique dans les pays qui ont besoin d'aide ainsi que la livraison de fournitures d'urgence pour soutenir les systèmes de santé, intensifier leur capacité de détection et de riposte.
Décrire la situation comme une pandémie n'exige pas que les pays se concentrent uniquement sur l'imposition de mesures plus restrictives sur les voyages ou le commerce. Cette description ne change ni l’évaluation de l’OMS de la menace posée par ce virus, ni ses recommandations. Tous les pays doivent trouver un juste équilibre entre la protection de la santé et la minimisation des perturbations économiques et sociales. Toutes les restrictions liées aux voyages ou mesures de réduction des contacts sociaux doivent être mises en œuvre tout en renforçant la capacité du système de santé à fournir une réponse : recherche active de cas ; traçage agressif des contacts ; et traitement, isolement et quarantaine, le cas échéant.
La protection des agents de santé est également essentielle, car ils sont au cœur de la réponse à cette pandémie. Chaque pays a la responsabilité de protéger ces derniers et d'accroître leurs connaissances et leurs compétences en matière d’investigation et de prise en charge de cette pandémie, sans risque personnel supplémentaire.
Chers collègues,
Permettez-moi de le répéter – nous avons besoin d'un engagement urgent et ferme au sein des gouvernements, du secteur de la santé et de la société dans son ensemble pour lutter contre cette pandémie. Cette maladie peut être principalement maîtrisée par des actions agressives liées à la recherche de cas, leur isolement, leur test et leur traitement. Les pays qui continuent de rechercher et de tester des cas et de retrouver leurs contacts non seulement protègent leur propre population, mais ils peuvent également avoir un impact sur la situation actuelle dans d'autres pays, aux niveaux régional et mondial. Des communications rigoureuses sur les risques et l'engagement communautaire soutiennent ces efforts.
Le moment d’agir, c’est maintenant – je ne saurais trop insister sur le niveau d'urgence avec lequel cela doit se produire. Nous avons l'occasion de contenir cette pandémie dans notre Région, et nous devons tous collaborer pour y parvenir.
Que Dieu protège tous les pays et les peuples du monde entier !
Je vous remercie de votre attention.