17 février 2019 | Khartoum | Le Caire | Genève ‒ Les délégués présents à la Sixième Conférence internationale sur le mycétome, organisée à Khartoum (Soudan), ont aujourd’hui adopté un « appel à l’action » qui exhorte la communauté mondiale à travailler résolument main dans la main avec les institutions multilatérales, les partenaires, les établissements de recherche et les groupes pharmaceutiques pour s’attaquer aux conséquences dévastatrices de cette maladie.
Le mycétome, une maladie tropicale négligée, affecte principalement les populations pauvres et rurales, et plus particulièrement les groupes socio-économiquement défavorisés qui vivent pieds nus et les travailleurs manuels, tels que les agriculteurs, les travailleurs agricoles et les éleveurs. Atteindre les personnes vivant dans ces zones sous desservies est crucial dans le cadre de la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030.
« Je suis heureux que cette conférence soit l’occasion de faire la lumière sur le mycétome, une maladie qui a été véritablement négligée et ignorée pendant trop longtemps, ce qui a eu des conséquences dévastatrices sur les populations pauvres et vulnérables », a déclaré le Dr Ahmed Al-Mandhari, Directeur régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale. « La lutte contre les maladies tropicales négligées et l’implication de toutes les parties prenantes dans cette importante réunion scientifique s’inscrivent dans le cadre de la Vision pour 2023 qui appelle à la solidarité et l’action afin de réaliser la Santé pour tous et par tous dans la Région », a t-il ajouté.
Le mycétome atteint le plus souvent les jambes et les bras, provoque une douleur intense, une perte de fonction et une diminution de l’aptitude à travailler pour gagner sa vie.
« Le Soudan s’est engagé à investir dans un environnement plus sain afin de garantir que le bétail soit en meilleure santé et que les pratiques agricoles soient plus sûres, ainsi qu’à travailler avec les fermiers et les gardiens de troupeaux, afin d’éviter les traumatismes qui peuvent causer le mycétome », a expliqué Son Excellence Al-Khair Al-Nour Al-Mubarak, Ministre fédéral de la Santé du Soudan. « Des orientations et un soutien appropriés sont requis afin de sensibiliser les individus à cette maladie, notamment en leur fournissant des informations sur la prévention et la nécessité de mettre en place un traitement rapide pour tous les cas suspectés. »
S’il est diagnostiqué à un stade avancé, le mycétome peut entraîner une amputation et une incapacité permanente.
« La souffrance et l’incapacité causées par le mycétome ont des conséquences autrement plus lourdes sur la famille, la situation socio-économique et le bien-être mental, les patients étant souvent stigmatisés », a déclaré le Professeur Ahmed Hassan Fahal, Directeur du Centre de recherche sur le mycétome à Khartoum, l’unique centre collaborateur de l’OMS sur cette maladie. « Sa distribution mondiale et ses conséquences invalidantes exigent l’adoption d’initiatives et d’approches ambitieuses pour garantir un diagnostic et un accès adapté et rapide à un traitement amélioré. »
Définir des objectifs et des jalons
Après avoir été reconnue comme maladie tropicale négligée lors de la Soixante-Neuvième Assemblée mondiale de la Santé en 2016 avec l’adoption de la résolution WHA 69.21, des mesures ont été initiées à l’échelle mondiale, notamment l’évaluation des politiques et des pratiques actuelles de 164 pays, l’organisation d’une consultation mondiale visant à identifier les domaines de travail prioritaires, et la création d’un Groupe de travail mondial sur le mycétome.
Mais des efforts supplémentaires sont requis, car peu d’informations sont disponibles sur son incidence et sa prévalence à l’échelle mondiale. Les cas attestés révèlent que le Soudan notifie parmi les nombres les plus élevés de cas au monde. D’autres pays où le nombre de cas est relativement élevé et qui font partie de la fameuse « ceinture du mycétome » incluent l’Éthiopie, l’Inde, la Mauritanie, le Mexique, le Sénégal, la Somalie, le Tchad, la République bolivarienne du Venezuela et le Yémen.
« Il est crucial que nous fixions des objectifs et des jalons qui constitueront un levier pour la recherche collaborative afin de mettre au point les outils et les médicaments hautement nécessaires à la simplification du diagnostic et du traitement », a indiqué le Dr Mwelecele Malecela, Directrice du Département de l’OMS Lutte contre les maladies tropicales négligées, avant d’ajouter : « L’une des premières étapes critiques pourrait être de réfléchir à la façon d’intégrer les interventions contre le mycétome à la fourniture de soins de santé primaires, notamment dans le cadre des mesures qui ciblent les maladies qui affectent principalement la peau. »
La manière dont le mycétome se transmet n’a pas encore été totalement élucidée. Le traitement est long et coûteux, et souvent avec des résultats insatisfaisants, ce qui dissuade les patients de se rendre dans les centres de santé pour se faire soigner. En outre, il n’existe pas de tests de diagnostic rapide pouvant être utilisés dans le système des soins de santé primaires.
À la recherche de nouveaux antifongiques
La communauté internationale a bon espoir alors que l’Initiative sur les Médicaments pour les maladies négligées (DNDi) mène actuellement une recherche sur l’efficacité du fosravuconazole, un médicament qui pourrait être utilisé dans le traitement du mycétome. Le succès de cette recherche permettrait d’aboutir à l’élaboration d’un protocole thérapeutique plus court et plus rentable, et ainsi d’augmenter l’observance du traitement. D’ici là, la seule stratégie pour réduire la gravité et les conséquences du mycétome passe par une sensibilisation plus grande du grand public, la détection précoce des cas, et des soins et un traitement continus.
La conférence de trois jours à Khartoum, organisée par le Gouvernement soudanais et l’OMS, comporte des séances plénières, des sessions thématiques, des travaux de groupes et des sessions avec les experts. Cinq cents participants sont attendus dans le but de passer en revue les activités de lutte, les aspects cliniques et la recherche associée.
Le premier séminaire-atelier mondial
Le premier séminaire-atelier de formation international sur le mycétome s’est tenu en amont de la Sixième Conférence internationale sur le mycétome, du 10 au 14 février 2019. Il a été organisé par l’OMS et le Centre de recherche sur le mycétome, avec le soutien de l’Initiative sur les Médicaments pour les maladies négligées (DNDi).
Plus de 60 personnels de santé issus d’un grand nombre de pays où le mycétome est endémique ont pris part aux discussions sur les pratiques standardisées en matière de diagnostic, de traitement, d’épidémiologie et de surveillance.
La maladie
Associé à une morbidité élevée, le mycétome se caractérise par des déformations invalidantes. Il s’agit d’une maladie inflammatoire granulomateuse chronique, progressive et destructrice qui affecte la peau, les tissus conjonctifs, les muscles et les os, et qui résulte d’une infection causée par plus de 70 micro-organismes d’origine bactérienne ou fongique. La maladie se divise en deux groupes les actinomycétomes (mycétomes bactériens) ou les eumycétomes (mycétomes fongiques) sur la base de leur agent causatif.
S’il n’est pas détecté et traité rapidement, le mycétome peut entraîner de grosses déformations des membres, et dans certains cas avancés il peut nécessiter une amputation ou provoquer la mort. La compréhension de l’étiologie et des facteurs de risque de la maladie permettront la mise au point de mesures préventives appropriées.