J’ai le plaisir de présenter le rapport rendant compte de l’activité de l’OMS dans la Région de la Méditerranée orientale au cours de l’année 2017 et de la première partie de l’année 2018.
Cette période est antérieure à ma prise de fonction en tant que Directeur régional, qui a débuté le 1er juin 2018. À ce titre, j’aimerais tout d’abord rendre hommage à mon prédécesseur, feu le Dr Mahmoud Fikri, ainsi qu’au Dr Jaouad Mahjour qui a assumé les fonctions de Directeur régional par intérim à la suite du décès tragique et prématuré du Dr Fikri. À l’examen de ce rapport, ce qui me frappe est tout autant l’ampleur des difficultés de santé auxquelles est confrontée la Région de la Méditerranée orientale, que les progrès considérables qui ont été réalisés en dépit de la situation. Ces progrès témoignent de la contribution du Dr Fikri, du Dr Mahjour et des directeurs régionaux précédents, ainsi que du travail mené par le personnel de l’OMS et ses partenaires dans la Région sous leur direction avisée.
Les difficultés que rencontre l’OMS reflètent en partie la portée de nos ambitions. L’un de nos objectifs stratégiques principaux est la couverture sanitaire universelle : nous voulons aider les États Membres à garantir que chacun dans la Région ait accès aux services de santé dont il a besoin sans s’exposer à des difficultés financières. Il est manifeste que cet objectif ne sera pas atteint rapidement, mais des efforts n’ont cessé d’être fournis à un rythme soutenu en 2017, et je suis heureux de pouvoir rapporter certains progrès.
L’OMS s’est lancée dans une série d’activités avec les États Membres de la Région dans le but de renforcer leurs systèmes de santé et ainsi de se rapprocher de l’objectif de la couverture sanitaire universelle. Nous les avons accompagnés dans l’élaboration et la promotion de leurs visions et stratégies distinctes visant à améliorer le financement de la santé dans le contexte propre à chaque pays. Parmi les réalisations notables, il convient de mentionner l’appui technique apporté à l’adoption d’une nouvelle loi historique pour une assurance-maladie de type sécurité sociale en Égypte, et à la mise en œuvre d’achats stratégiques dans le domaine de la santé en République islamique d’Iran et au Soudan.
Le développement des personnels de santé a connu un coup d’accélérateur en octobre 2017 avec l’adoption par la soixante-quatrième session du Comité régional d’un cadre d’action dédié à ce domaine. Nous nous efforçons actuellement d’intensifier la mise en œuvre dudit cadre afin de garantir que chaque pays dispose de personnels de santé hautement qualifiés, aux compétences variées et capables de répondre aux besoins actuels et futurs.
Parmi les autres tâches importantes à accomplir pour garantir l’accès aux soins de santé pour tous, il convient de déterminer quels services et interventions sanitaires doivent être fournis et pris en charge financièrement pour la population. À cet égard, des paniers de services de santé essentiels ont été évalués et soutenus dans six pays, à savoir en Afghanistan, en Arabie saoudite, en Égypte, en Palestine, en Somalie et au Yémen.
La prestation de tels services n’incombe pas uniquement au secteur public. Au contraire, les États Membres ont reconnu le rôle crucial du secteur privé en tant que fournisseur de soins de santé dans la Région. Sur mandat du Comité régional, l’OMS a préparé un cadre d’action sur l’engagement effectif avec le secteur privé de la santé en vue d’étendre la gamme des services offerts dans le cadre de la couverture sanitaire universelle ; ce cadre d’action sera présenté lors de la soixante-cinquième session du Comité régional en 2018.
La couverture sanitaire universelle nécessite également des systèmes d’information sanitaire efficaces et complets afin de mesurer les besoins et les résultats en matière de santé. À cet égard, encore une fois, les résultats sont encourageants malgré les nombreux défis. Le travail considérable accompli avec les États Membres pour renforcer les systèmes nationaux concernant les données sanitaires et la mesure de ces données a débouché sur une amélioration remarquable des notifications pour les indicateurs clés, avec une augmentation moyenne de 15 % des indicateurs ayant fait l’objet de rapports au niveau régional sur la période 2014-2017.
Nous continuerons à œuvrer à l’amélioration des systèmes de santé et des systèmes d’information sanitaire au cours de l’année à venir.
L’OMS s’est engagée à promouvoir la santé tout au long de la vie. Ceci implique d’identifier et de saisir les occasions de faire la promotion de la santé aux étapes critiques de la vie des individus. La santé génésique et la santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent constituent toutes des priorités absolues et ont bénéficié d’une attention particulière en 2017 et au cours de la première partie de 2018. Les progrès ont été inégaux, certains pays en proie à des crises humanitaires subissant en effet d’incontestables revers, mais certaines réalisations notables ont aussi pu être observées. Les Émirats arabes unis, l’Iraq et le Yémen ont lancé des plans stratégiques sur la santé de la mère et de l’enfant, tandis que le Soudan est devenu le premier pays au monde à appliquer les orientations pour la mise en œuvre de l’Action mondiale accélérée en faveur de la santé des adolescents, afin de mettre au point un plan stratégique pour la santé et le développement de ce groupe d’âge.
À l’autre bout de l’existence, l’OMS fait la promotion d’un nouveau modèle conceptuel de vieillissement en bonne santé construit autour des aptitudes fonctionnelles des personnes âgées plutôt que de l’absence de maladie. Plusieurs villes de la Région ont rejoint l’initiative mondiale des villes-amies des aînés mise au point par l’Organisation, Sharjah aux Émirats arabes unis connaissant un franc succès.
Des efforts considérables ont également été déployés au cours de l’année passée afin de promouvoir la santé et de s’attaquer à certains problèmes tenaces tels que les accidents de la circulation routière, la violence à l’égard des femmes et les risques environnementaux. L’OMS soutient l’approche axée sur l’intégration de la santé dans toutes les politiques afin d’aider les États Membres à s’attaquer efficacement aux déterminants sociaux de la santé sous-jacents. Il s’agit de problèmes considérables pour lesquels il n’existe pas de solution miracle, mais les efforts inlassables déployés au niveau multisectoriel permettent de croire en une amélioration avec le temps.
Par exemple, les risques environnementaux évitables sont à l’origine d’au moins 850 000 décès annuels dans la Région. L’adoption par le Comité régional d’un cadre d’action régional sur le changement climatique et la santé en octobre 2017 a ouvert la voie à une politique de riposte intégrée/multisectorielle reposant sur des bases factuelles, et j’espère pouvoir rendre compte de la mise en œuvre dudit cadre l’année prochaine.
La lutte contre les maladies non transmissibles (MNT) telles que les maladies cardio-vasculaires, le cancer, le diabète et les maladies respiratoires chroniques, est étroitement liée à la promotion de la santé. Les maladies non transmissibles ont des effets dévastateurs dans la Région, et malheureusement le Rapport 2017 de l’OMS sur le suivi de la lutte contre ces maladies a indiqué que les pays ne sont pas en voie d’atteindre la cible 3.4 des objectifs de développement durable associée d’ici à 2030.
Néanmoins, des progrès sont à noter pour chacun des quatre domaines prioritaires du cadre d’action régional pour la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles. L’un d’entre eux est la gouvernance, l’OMS soutenant les États Membres dans l’élaboration de plans d’action multisectoriels pour les maladies non transmissibles. Huit pays de la Région sur 22 disposent dorénavant d’une stratégie ou d’un plan d’action opérationnel(le).
Ceci implique aussi un travail important pour aider à prévenir et contrôler les facteurs de risque. Les efforts menés dans le but d’accélérer la mise en œuvre de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac ont rencontré quelque succès malgré les tactiques déployées par la puissante industrie du tabac pour saper ces efforts. Plusieurs pays du Conseil de Coopération du Golfe, avec qui l’OMS a travaillé en étroite collaboration, ont introduit des droits d’accise sur le tabac. En outre, de nombreux pays ont pris des mesures afin d’améliorer le contenu nutritionnel des aliments, notamment en mettant en place des taxes sur les boissons sucrées et en adoptant des politiques visant à réduire la consommation de sel et d’acides gras saturés, ainsi qu’à quasiment éliminer la production industrielle d’acides gras saturés. Douze pays ont également mis en œuvre au moins une campagne nationale pour promouvoir l’activité physique.
Un travail considérable a également été entrepris afin de renforcer la surveillance, le suivi et l’évaluation en matière de maladies non transmissibles, ainsi que pour réorienter les services de santé en vue d’une meilleure prise en charge de ces maladies. L’adoption d’un cadre d’action régional sur la prévention et la lutte anticancéreuses lors de la soixante-quatrième session du Comité régional a constitué un tournant majeur, au même titre que le déploiement en République arabe syrienne d’un nouveau kit d’urgence de l’OMS pour la prise en charge des maladies non transmissibles en situations d’urgence.
La santé mentale est une question difficile dans la Région. Elle est souvent marquée par une stigmatisation et bénéficie d’un faible intérêt de la part du milieu politique et de la santé publique, les soins institutionnels demeurant le modèle de soins dominant dans la plupart des pays. Le thème de la Journée mondiale de la Santé 2017 était « La dépression : parlons-en ». À cette occasion, l’OMS avait aidé à l’élaboration d’un module d’éducation en santé mentale, ainsi qu’à la mise en œuvre de campagnes ciblées pour poursuivre sur cette lancée. Dans le même temps, des efforts visant à intégrer les soins de santé mentale aux soins de santé primaires ont continué d’être menés par le biais du programme d’action intitulé Combler les lacunes en santé mentale et de programmes de santé mentale en milieu scolaire.
La réduction de la transmission et de l’impact des maladies transmissibles demeure l’un des volets essentiels de la mission de l’OMS, et l’un de ceux où des progrès considérables ont pu être observés dans la Région de la Méditerranée orientale en 2017.
Nous sommes toujours plus proches de la réalisation de l’objectif mondial consistant à éradiquer la poliomyélite. Le nombre de cas de poliomyélite dus au poliovirus sauvage a atteint les niveaux les plus bas jamais enregistrés. Néanmoins, tant que le poliovirus sauvage est en circulation où que ce soit, il existe un risque de propagation de celui-ci ou d’apparition de poliovirus circulants dérivés d’une souche vaccinale, particulièrement dans les pays touchés par des situations d’urgence complexes. Une surveillance, une préparation et une riposte efficaces sont toutes cruciales, et nous continuerons de travailler avec les pays afin de maintenir ces domaines opérationnels et de les renforcer.
La prévalence du VIH dans la Région demeure faible mais est en augmentation, et trop peu d’individus infectés bénéficient d’un traitement antirétroviral. L’hépatite virale est une cause de mortalité importante, notamment en Égypte et au Pakistan, mais des améliorations appréciables ont eu lieu en matière de dépistage et de traitement. Dans le même temps, le taux de dépistage de la tuberculose s’est amélioré, mais il demeure largement en deçà du taux cible mondial fixé à 90 %.
Le nombre de cas confirmés de paludisme était de 1,36 million de personnes en 2017. Quatorze pays de la Région ont totalement éliminé la transmission locale du paludisme, et des progrès notables sont à rapporter pour plusieurs autres pays, mais les situations d’urgence prolongées compliquent les efforts de lutte contre la maladie dans de nombreux pays d’endémie. L'OMS est actuellement en train de mettre au point une stratégie intégrée pour les interventions contre le paludisme et d'autres maladies à transmission vectorielle, en particulier dans les pays confrontés à des situations d'urgence complexes.
La situation relative à la sécurité peut aussi rendre la vaccination compliquée. Pour autant, la couverture vaccinale régionale globale s’est maintenue à 80 %, avec notamment une augmentation de la couverture moyenne du vaccin antidiphtérique-antitétanique-anticoquelucheux (DTC3). La surveillance en laboratoire basée sur les cas de rougeole est mise en œuvre dans tous les pays, et sept pays sont sur le point d'atteindre l'objectif d'élimination de cette maladie.
Pour donner suite à une résolution émise par le Comité régional en octobre 2017, les pays travaillent actuellement à l’élaboration de plans d’action nationaux pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens : deux de ces plans d’action ont déjà été officiellement soumis à l’OMS en décembre, et huit se trouvent à un stade d’élaboration avancé. Un travail considérable a également été entrepris afin d’améliorer la surveillance, de mener un travail de sensibilisation et de faire la promotion de changements de comportements dans ce domaine.
La Région de la Méditerranée orientale est incontestablement le leader mondial dans un domaine, à savoir celui des situations d’urgence sanitaire. Plus de 76 millions de personnes sont affectées directement ou indirectement par des conflits, par des menaces environnementales ou par des catastrophes naturelles.
L'OMS est intervenue dans 10 situations d'urgence classées dans la Région en 2017, dont quatre urgences majeures de niveau 3 en Iraq, en République arabe syrienne, en Somalie et au Yémen. La Somalie a été classée comme urgence de niveau 3 en mai 2017, nécessitant une intervention à plus grande échelle de l’ensemble de l'Organisation. L'épidémie de dengue au Pakistan a été classée urgence de niveau 1 de juillet 2017 à janvier 2018. L'Afghanistan, la Libye, le Pakistan et la Palestine sont d'autres pays qui ont connu une situation d'urgence classée.
L’action que nous menons dans les situations d’urgence se heurte à des contraintes majeures, et l’insécurité n’est pas la moins importante : 80 % de toutes les attaques perpétrées contre les agents de santé enregistrées par l'OMS dans le monde en 2017 se sont produites dans la Région de la Méditerranée orientale. En outre, les systèmes de santé sont souvent limités ou inexistants dans les zones concernées, une pénurie de personnels de santé compétents est à recenser et les financements sont insuffisants.
Mais malgré ces difficultés, l’OMS et ses partenaires continuent d’apporter un soutien vital là où il est le plus nécessaire. En 2017, le centre logistique de l'OMS à Dubaï a livré 791 tonnes de médicaments et de fournitures médicales dans 20 pays de la Région et au-delà, atteignant plus de 23,5 millions de bénéficiaires ne serait-ce qu’en Iraq, en République arabe syrienne, en Somalie et au Yémen.
L'OMS a dirigé ou assuré la co-direction de la coordination du secteur de la santé dans huit pays de la Région où le groupe de responsabilité sectorielle Santé a été mis en œuvre. Dans la bande de Gaza, le groupe structurel Santé a permis d’éviter la fermeture de 14 hôpitaux publics et de 18 hôpitaux dirigés par des organisations non gouvernementales en fournissant le carburant pour les générateurs. En Iraq, les partenaires du groupe de responsabilité sectorielle Santé ont vacciné 99 % des enfants ciblés dans les zones nouvellement accessibles. Au Yémen, les partenaires de la santé sont parvenus à fournir des services de santé vitaux à six millions de personnes. Au Pakistan, ces mêmes partenaires soutiennent la transition consistant à passer d’une situation d’urgence à une situation de développement dans les zones tribales sous administration fédérale. En République arabe syrienne, les partenaires du groupe sectoriel Santé ont soutenu 14,4 millions d'interventions médicales et ont dispensé 8,6 millions de traitements.
Des flambées de maladies infectieuses émergentes ont été maîtrisées avec succès au Pakistan (dengue), en Somalie (choléra), au Soudan (diarrhée aqueuse aiguë) et aux Émirats arabes unis (légionellose associée aux voyages), grâce à des enquêtes rapides sur le terrain et au déploiement de personnel de renfort du Bureau régional, à la participation des partenaires du Réseau mondial d'alerte et d'intervention en cas d'épidémie (GOARN), et à la mise en œuvre de mesures rapides d'endiguement en santé publique dans les pays touchés.
Dans le même temps, des efforts ont continué d’être menés en vue de s’attaquer aux questions liées aux capacités sur le plus long terme : l’initiative relative aux équipes médicales d’urgence a été lancée afin d’établir un groupe d’équipes médicales multidisciplinaires nationales compétentes qui dispensent les premiers secours lorsqu’une situation d’urgence se déclenche ; le Réseau OMS de laboratoires travaillant sur les agents pathogènes émergents et dangereux a été créé afin de mettre en place des laboratoires de haute sécurité pour la détection, la prise en charge et l’endiguement en temps opportun des flambées ; et des efforts sont en cours pour nouer de nouveaux partenariats et mettre au point de nouveaux modèles de financement.
La préparation aux situations d’urgence constitue un autre aspect crucial de notre action. En 2017, un appui a été fourni à l’Égypte, à l’Iraq, à la Jordanie et au Pakistan dans la conduite d’évaluation des risques et l’élaboration de plans de préparation et de riposte à tous les risques ; un cours sur les situations d’urgence destiné aux hôpitaux a été dispensé à Bahreïn, en Libye et au Soudan ; l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et Oman ont été soutenus dans l’optique de mener des évaluations externes conjointes volontaires supplémentaires ; et une aide a été apportée à l’Iraq, à la Libye, à la République arabe syrienne et au Yémen dans la préparation d’évaluations externes conjointes.
Le rôle du personnel de l’OMS et des États Membres dans la Région de la Méditerranée orientale ne se limite pas à la Région : nous participons également à l’élaboration de la stratégie mondiale de l’Organisation. En 2017, cela a impliqué une contribution très active au treizième programme général de travail de l’OMS qui a été finalisé et lancé en mai 2018. Les représentants des États Membres ont également participé à des réunions de haut niveau au Siège à Genève, prenant ainsi part à l’établissement du programme sur un certain nombre de questions.
Améliorer la gestion et les performances de l’OMS demeure une priorité stratégique. En 2017, l’Organisation a continué d’améliorer les capacités de planification, de prévision, de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation afin d’utiliser et de distribuer les ressources limitées de façon plus efficace. Toutes les vérifications des comptes de l’OMS dans la Région se sont conclues par des notations satisfaisantes ou partiellement satisfaisantes, démontrant une amélioration continue des contrôles, ainsi qu’un engagement profond en faveur de la conformité avec les normes et les procédures établies. Nous poursuivrons notre action en vue d’optimiser la performance à l’avenir.