L’avenir de la santé dans la Région OMS de la Méditerranée orientale
Le présent rapport fait le point de la situation dans la Région et présente les progrès accomplis, depuis que j’ai repris le poste de Directeur régional en février 2012, dans cinq domaines stratégiques : le renforcement des systèmes de santé en vue de la couverture universelle ; la santé de la mère et de l’enfant ; la sécurité sanitaire et les maladies transmissibles ; les maladies non transmissibles ; et la préparation aux situations d’urgence et l’organisation de la riposte. Ces domaines stratégiques ont été approuvés comme priorités par le Comité régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale lors de sa cinquante-neuvième session en octobre 2012.
À cette époque, la situation dans différents pays de la Région avait déjà un impact sur la santé des populations, mais nous ne pouvions pas imaginer l’ampleur de la crise humaine qui allait bientôt engloutir les vies de millions de personnes. Aujourd’hui, plus de la moitié des réfugiés dans le monde viennent de trois pays de notre région (Afghanistan, République arabe syrienne et Somalie) et sont accueillis par seulement quatre pays (République islamique d’Iran, Jordanie, Liban et Pakistan). La Région héberge le plus grand nombre de personnes déplacées dans leur propre pays du fait des conflits. Le préjudice causé à la santé humaine est catastrophique. À l’heure actuelle, la situation semble sans issue et tout laisse à penser que les crises vont continuer à sévir et que leur énorme impact sur la santé des pays affectés et voisins pourrait même s’aggraver.
Néanmoins, l’OMS et les États Membres, travaillant en collaboration interne et avec des partenaires, ont effectué des avancées majeures dans la Région en concentrant leurs efforts sur les cinq domaines clé où nous contribuons de façon positive au changement et posons les bases d’un développement continu en matière de santé.
En matière de renforcement des systèmes de santé, nous avons conduit un examen approfondi des éléments constitutifs des systèmes de santé des pays de la Région et nous sommes entendus sur sept priorités clés qu’il nous faudrait traiter ensemble au cours de cette période de cinq ans. Sur la base de cet examen, et en étroite consultation avec les États Membres, un profil de pays a été préparé pour chaque État Membre, prenant en compte les indicateurs, réalisations, forces, faiblesses et priorités d’action clés en matière de systèmes de santé. Une importante réalisation a été accomplie sur la voie de la couverture sanitaire universelle, avec l’élaboration d’un cadre d’action en vue de faire progresser la couverture sanitaire universelle dont de nombreux pays se servent dorénavant comme guide pour accélérer les progrès. Ce cadre constitue une feuille de route visant à garantir l’accès aux soins de santé à l’ensemble de la population, notamment aux plus vulnérables et aux laissés-pour-compte, dans chaque pays. L’OMS soutient actuellement les pays dans la réalisation de cet objectif.
Le leadership et la gouvernance en santé publique ont aussi été améliorés au moyen d’un ensemble de programmes. En réponse aux lacunes de nombreux pays en matière de capacités de santé publique et en collaboration avec de grands spécialistes internationaux et régionaux, des outils pour mesurer les fonctions de santé publique dans les ministères de la santé ont été mis au point et pilotés avec succès dans deux pays. Le rapport d’évaluation de chaque pays identifie les domaines nécessitant un renforcement et fournit des recommandations sur les actions à mener. Davantage de pays seront évalués en 2016. En collaboration avec la Harvard School of Public Health, un programme de leadership en santé a été proposé et plus de 50 futurs leaders mondiaux du domaine de la santé se sont vu décerner un diplôme dans le cadre de ce programme au cours des deux dernières années.
L’élaboration du cadre pour les systèmes d’information sanitaire, résultat d’intenses consultations avec les différents secteurs des États Membres et des experts internationaux, représente une autre réalisation majeure. Ce cadre est constitué de trois composantes clés : le suivi des risques et des déterminants majeurs, l’évaluation de la situation sanitaire incluant la mortalité par cause spécifique, et la mesure de la réponse des systèmes de santé. Pour chaque composante, un ensemble d’indicateurs de base a été approuvé. Nous évaluons actuellement la capacité de chaque pays à générer des données fiables pour les 68 indicateurs de base du cadre. Nous avons également mené une évaluation approfondie des systèmes d’enregistrement des faits et de statistiques d’état civil (CRVS) dans tous les pays. L’information générée par ce programme est la plus approfondie et la plus complète de toutes les régions OMS. Sur la base de cette évaluation, une stratégie régionale a été mise au point. L’ensemble des pays dispose dorénavant d’une vision claire des lacunes et des domaines qui requièrent un renforcement, et un soutien technique leur a été offert pour les aider à combler ces lacunes.
Afin de soutenir le développement des personnels de santé dans la Région, un cadre d’action sur l’enseignement médical a été élaboré, sur la base d’une analyse détaillée de la situation et d’une étude régionale des établissements d’enseignement médical. Un cadre similaire fournit des orientations stratégiques pour renforcer l’enseignement et la pratique des soins infirmiers et obstétricaux. L’OMS travaille aussi à renforcer les capacités des pays pour qu’ils collaborent avec le secteur privé et qu’ils réglementent ses activités, afin d’avancer sur la voie de la couverture sanitaire universelle. Une évaluation solide des technologies sanitaires, incluant les médicaments, a été entreprise, comprenant un profil pharmaceutique pour chaque pays ; ceci permet de soutenir des décisions d’achat ayant un bon rapport coût-efficacité.
La santé de la mère et de l’enfant, notamment la persistance de taux élevés de mortalité maternelle et infantile dans certains pays, faisait partie des principales préoccupations de la Région en 2012. La majorité des causes ont été identifiées comme relevant de problèmes relatifs aux systèmes de santé, et une initiative de grande ampleur a été lancée pour « Sauver la vie des mères et des enfants ». Un soutien a été apporté aux neuf pays qui ont une charge de mortalité maternelle et infantile élevée afin de concevoir des stratégies visant à améliorer la survie et la santé. Une analyse de la situation a été menée dans chaque pays pour identifier les lacunes et un profil de pays a été élaboré pour mettre en évidence la situation, les problèmes et les actions requises, accompagnés d’une analyse financière. Des plans d’accélération multisectoriels prévoyant des interventions avec le meilleur rapport coût-efficacité pour chaque pays ont ensuite été élaborés. La plupart des pays qui ont une charge élevée de mortalité et de morbidité maternelles et infantiles ont lancé leurs plans et les mettent actuellement en œuvre.
Dans le domaine des maladies non transmissibles, la Région a élaboré un cadre d’action afin de mettre en œuvre la Déclaration politique des Nations Unies sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles, qui inclut 17 interventions stratégiques dans les quatre composantes du cadre (gouvernance, prévention, soins de santé et surveillance) et 10 indicateurs sur la base desquels les pays peuvent mesurer leurs progrès. Un travail considérable a été effectué, reposant sur un examen des données factuelles et l’expérience internationale, dans le but de mettre au point des orientations techniques pratiques sur la manière de mener les interventions : il s’agit notamment de mesures de lutte antitabac ; de la réduction de la consommation de sel, de sucre et de graisses saturées ; de l’élimination des graisses trans industrielles ; et des législations pour réduire les facteurs de risque. Ces lignes directrices sont à présent disponibles et suivies par de nombreux États Membres. Deux autres grands domaines revêtent une importance vitale : les orientations sur l’intégration des soins de santé dans les soins de santé primaires et la continuité du traitement dans les situations d’urgence, ainsi que le cadre de surveillance qui devrait être utilisé par les pays pour faire le point sur les progrès accomplis.
De brefs profils sont produits annuellement sur la capacité de réponse de chaque pays, sur la base des indicateurs de progrès du cadre. Un récent examen de progrès montre qu’il reste beaucoup à faire pour réaliser en temps voulu les actions assorties de délais prévues par la Déclaration politique, et l’OMS continuera à soutenir les pays dans leurs efforts pour atteindre ces cibles.
La sécurité sanitaire était au centre de notre travail dans le domaine des maladies transmissibles. Prévenir les flambées de maladies émergentes et réémergentes et organiser des interventions a constitué une priorité au cours des quatre dernières années, du fait de la détérioration de la situation de la santé publique dans de nombreux pays. Des campagnes de grande ampleur ont été menées pour combattre les importantes flambées de poliomyélite et de rougeole, et ont permis de prévenir la poursuite de la propagation de ces maladies à l’intérieur et à l’extérieur de la Région. Un travail considérable a également été effectué pour assurer que les États Membres disposent des capacités de base requises pour l’application du Règlement sanitaire international (RSI 2005). Fin 2014, sur demande des États Membres, l’OMS a mené des évaluations rapides sur les capacités des pays à détecter et à répondre rapidement à un cas d’Ebola. Les résultats ont mis en lumière des lacunes en matière de capacités de prévention et de lutte contre les épidémies pour l’ensemble les pays, ainsi que les limites de l’outil d’autoévaluation du RSI. Le Comité régional a par la suite appelé à l’adoption d’une évaluation indépendante et à l’établissement d’une commission d’évaluation régionale pour fournir des orientations techniques aux pays et pour superviser les progrès des évaluations externes conjointes indépendantes. Notre région a joué un rôle majeur dans l’harmonisation de l’outil d’évaluation du RSI avec l’outil du Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale (PASSM), ainsi que dans l’élaboration de l’outil d’évaluation externe conjointe qui est à présent adopté par toutes les régions OMS et le PASSM.
La préparation aux situations d’urgence et l’organisation de la riposte constitue notre cinquième priorité. En plus de l’ampleur du défi, les agents de santé ont fui les violences, tandis que les établissements de soins et les infrastructures sanitaires ont été endommagés ou détruits. Les médicaments et les fournitures médicales sont devenus une denrée rare. Même quand elles sont disponibles, les équipes médicales se voient refuser l’accès à de nombreuses zones de conflit. Les soins de santé pour les réfugiés et les personnes déplacées dans leur propre pays sont extrêmement fragmentés voire inexistants. Il devient de plus en plus difficile de trouver des professionnels de santé prêts à exercer dans ces zones.
Tous les pays de la Région sont exposés. Comme je l’ai déjà fait remarquer, nous avons été confrontés à de graves menaces pour la santé publique, telles que la résurgence de la poliomyélite et d’autres épidémies. La prise en charge des maladies chroniques et les soins préventifs indispensables requis pour les principales maladies non transmissibles, principalement les cardiopathies, les affections respiratoires, le cancer et le diabète, ont été interrompus pour un très grand nombre de personnes souffrant de ces maladies dans les zones de conflit.
Notre action dans le domaine de la préparation aux situations d’urgence et de l’organisation de la riposte s’est concentrée sur le renforcement de nos capacités à répondre de façon efficace et effective sur le terrain en fonction de l’évolution des situations, ainsi que sur le renforcement de la préparation régionale et nationale aux catastrophes naturelles et aux situations d’urgence. Ceci a conduit à la création de nouvelles structures internes et de plateformes afin de cibler différents facteurs déterminants de la situation d’urgence. Des partenariats plus solides sont en train d’être scellés avec les autorités sanitaires, les organisations non gouvernementales, les responsables communautaires, les institutions universitaires, les donateurs, le secteur privé et d’autres acteurs pour soutenir les pays. Un fond de solidarité régional a été créé pour apporter un financement immédiat sur le court terme et faire face aux situations d’urgence aiguë, et des actions sont entreprises pour mettre en lumière les déficits de financement pour les pays en situation de crise prolongée qui cherchent à reconstruire leurs infrastructures et à dispenser des soins de santé à leurs populations.
Tandis que cette introduction met en avant certains des défis les plus importants auxquels nous sommes confrontés et les actions que nous avons menées, le rapport qui suit examine plus en détails le travail accompli pour chacune des cinq priorités régionales clés, depuis leur adoption en mai 2012 jusqu’à aujourd’hui, en mai 2016. Le rapport met aussi l’accent sur la marche à suivre pour s’attaquer à certains problèmes persistants.
Durant cette période, nous avons concentré nos efforts sur la maximisation des résultats. Nous sommes aussi parvenus à renforcer les capacités techniques de l’OMS dans la région et à améliorer la qualité des services fournis aux États Membres. Nous continuons à renforcer les capacités au sein du personnel de l’OMS et à utiliser un réseau de plus en plus étendu des meilleurs experts internationaux dans les cinq domaines prioritaires. Travailler en collaboration avec des partenaires et d’autres parties prenantes a constitué une orientation stratégique qui a caractérisé notre travail dans de nombreux domaines programmatiques, et nous allons continuer en ce sens. Ce n’est que par le biais d’une action concertée que nous pouvons relever les défis sanitaires considérables auxquels nos pays sont confrontés. Nous nous engageons à les soutenir alors qu’ils se lancent dans la réalisation des cibles des objectifs de développement durable et qu’ils construisent, ou reconstruisent, des systèmes de santé efficaces et efficients pour l’ensemble des populations de la Région de Méditerranée orientale.