L’avenir de la santé dans la Région OMS de la Méditerranée orientale
Situation en 2012-2016
Les actions de santé publique face aux menaces que constituent les maladies transmissibles émergentes et d’origine endémique dans la Région n’ont cessé de constituer un défi depuis 2012. La Région a été confrontée à des épidémies répétées de maladies émergentes, et les situations d’urgence humanitaire et de conflits prolongés complexes ont eu un profond impact sur les systèmes de santé déjà fragilisés, rendant la lutte contre les maladies et les efforts d’élimination de ces dernières extrêmement difficiles et ambitieux.
On estime qu’en 2012, les maladies transmissibles ont été responsables d’environ un tiers de l’ensemble des décès et d’un tiers de toutes les maladies dans la Région, ce qui a constitué un frein considérable au développement sanitaire et socioéconomique dans certains pays. Sur les trois pays d’endémie de la poliomyélite, deux se trouvent dans la Région de Méditerranée orientale et ont rapporté le plus grand nombre de cas. Ces faits menacent les progrès effectués en matière d’éradication de la poliomyélite à l’échelle mondiale. Le VIH continue de se propager à grande vitesse, et la charge mondiale de paludisme et de tuberculose demeure élevée, notamment dans les pays du groupe 3. La couverture et la qualité des programmes de lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose devaient être améliorées. Tandis que le nombre de nouveaux cas d’infection par le VIH continue d’augmenter dans la Région, la couverture du traitement était la plus faible de toutes les régions OMS. On estime que plus de la moitié de tous les cas de tuberculose n’ont pas fait l’objet d’une notification. L’hépatite virale a pris la forme d’une épidémie silencieuse dans certains pays.
La Région a connu une augmentation du nombre de maladies transmissibles émergentes et réémergentes, incluant notamment la grippe aviaire, la brucellose, le choléra, la dengue et d’autres fièvres hémorragiques virales, la diphtérie, la rougeole, la fièvre jaune, le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen orient (MERS-CoV), le virus du Nil occidental et l’hépatite A. Les programmes de vaccination et de lutte contre les maladies à prévention vaccinale ont été confrontés à des défis considérables dans plusieurs pays, entraînant une augmentation des taux et de l’incidence de ce type de maladies. Les objectifs régionaux d’élimination de la rougeole ont subi un revers majeur du fait de la baisse de la couverture vaccinale des populations à risque.
La sécurité sanitaire dans la Région est un question critique. Le respect des principales capacités requises au titre du Règlement sanitaire international (2005), un accord légal international engageant l’ensemble des États Membres, est toujours fortement compromis en raison de lacunes critiques dans les systèmes de santé publique des pays. Alors que la situation sécuritaire s’est détériorée, les efforts de lutte contre plusieurs maladies transmissibles à forte charge et d’élimination de ces maladies ont cessé et les actions de prévention ont été impactées. Les capacités de surveillance des pays en vue de détecter les flambées épidémiques et d’organiser la riposte, d’évaluer les programmes et d’effectuer des projections des besoins futurs ont été identifiées comme particulièrement problématiques à mettre en place, notamment dans les pays des groupes 2 et 3.
Progrès 2012-2016
Tout examen visant à évaluer la réponse de la Région à contrôler la charge des maladies transmissibles doit prendre en compte la perpétuelle détérioration de la situation sécuritaire de la Région. Le fait que les flambées de maladies transmissibles aient été rapidement contenues de façon à ne pas dégénérer en épidémies ou en pandémies, et qu’elles ne se soient pas propagées à l’échelle mondiale, représente en soi un succès considérable et un accomplissement dans le domaine de la santé publique. Les défis majeurs de la lutte contre les maladies ont été et demeurent les suivants : les déplacements massifs de populations, les dommages causes aux établissements de santé et leur destruction, l’interruption des services de santé publique essentiels, la migration des agents de santé fuyant les violences, un accès toujours plus limité aux soins de santé incluant notamment les fournitures médicales et les vaccins, ainsi que les attaques armées dirigées contre les agents de santé.
La Région de Méditerranée orientale est à présent la seule région OMS où la poliomyélite demeure endémique. En 2012, l’Afghanistan et le Pakistan ont mis en œuvre des plans d’urgence nationaux, démontrant ainsi leur haut degré d’engagement en faveur de l’amélioration de l’exécution des programmes et la responsabilisation à ce niveau. Ceci s’est accompagné d’une intensification du soutien technique de l’OMS et des partenaires internationaux, et du renforcement des activités de plaidoyer par les responsables communautaires et les chefs religieux pour contrer les campagnes de désinformation menées par certains groupes. En 2013, les flambées de poliomyélite dans la Corne de l’Afrique et au Moyen-Orient ont immédiatement été prises en compte comme une menace sérieuse pour la sécurité sanitaire, et le comité d’urgence du RSI a déclaré un état d’urgence de santé publique de portée internationale. S’en sont suivis des efforts massifs menés par les gouvernements nationaux de toute la Région et des partenaires du milieu de la santé afin de venir à bout du virus. Depuis 2012, le nombre de cas de poliomyélite a connu une baisse considérable. Le poliovirus continue de circuler dans certaines régions d’Afghanistan et du Pakistan du fait de lacunes dans la couverture vaccinale liées aux difficultés d’accès, du refus des parents de faire vacciner leurs enfants, et du manque de programmes opérationnels dans les zones accessibles. L’insécurité et les attaques contre les agents de vaccination, ainsi que la propagation d’informations erronées, continuent de freiner les efforts déployés pour atteindre les enfants et les vacciner dans certaines régions.
L’observance du Règlement sanitaire universel (2005) a été fortement recommandée parmi les États Membres et les parties prenantes comme nécessaire afin d’instaurer la sécurité sanitaire à l’échelle nationale, régionale et mondiale. À la suite de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, et sur demande des États Membres de la Région, l’OMS a mené des évaluations rapides sur les capacités des pays à détecter et à répondre rapidement à un cas d’Ebola. Les résultats ont mis en lumière des lacunes en matière de capacités de prévention et de lutte contre les épidémies pour l’ensemble des pays, notamment ceux qui s’étaient déclarés en mesure d’appliquer le RSI 2005. Les évaluations menées par l’OMS ont également mis en lumière les limites de l’outil d’auto-évaluation du RSI, ce qui a conduit le Comité régional à appeler, au cours de sa soixante-deuxième session, à l’adoption d’une évaluation indépendante et à l’établissement d’une commission d’évaluation régionale du RSI, visant à favoriser la délivrance d’orientations techniques aux pays, et à superviser les progrès des évaluations externes conjointes indépendantes. Notre région a joué un rôle majeur dans l’harmonisation de l’outil d’évaluation du RSI avec l’outil du Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale (PASSM), ainsi que dans l’élaboration de l’outil d’évaluation externe conjointe à présent adopté par toutes les régions de l’OMS et par le PASSM.
Une réorganisation stratégique de l’application du RSI avec un nouveau cadre de suivi et d’évaluation a été mise au point avec quatre composants : auto-évaluations annuelles des États Membres, analyses après action en réponse aux flambées/crises, exercices de simulation et évaluations externes conjointes indépendantes. Chaque État Membre a actuellement mis en place un point focal national pour le RSI. Les pays ont élaboré des plans pour l’application du RSI, et on observe une reconnaissante grandissante de l’importance cruciale du renforcement des mesures aux points d’entrée pour gérer les menaces sanitaires.
Les maladies infectieuses de grande ampleur qui constituaient une véritable menace et qui ont fait l’objet d’une investigation et ont été rapidement maitrisées au cours des cinq dernières années incluaient la fièvre jaune au Soudan ; l’hépatite A en Iraq et en Jordanie ; le choléra en Iraq ; la grippe épidémique en Égypte, en Iraq, en Jordanie, au Koweït, en Libye, au Pakistan, en Tunisie et au Yémen ; la grippe aviaire A(H5N1) en Égypte ; le syndrome respiratoire du Moyen orient (MERS) en Arabie saoudite et d’autres pays ; et la dengue au Pakistan, au Soudan et au Yémen. Des efforts efficaces et rapides ont permis d’éviter des situations d’urgence sanitaire internationale de grande ampleur provoquées par ces menaces. Un système de réseau d’avertissement, d’alerte et de réponse rapides a été mis en place et rapidement étendu pour un dépistage et une réponse rapides aux menaces sanitaires dans tous les pays affectés par la crise syrienne et d’autres situations d’urgence. L’intérêt d’établir un tel réseau a été illustré par le fait que certaines épidémies de grande ampleur ont été évitées. Un réseau régional d’experts et d’institutions techniques a été mis en place pour faciliter le soutien à la riposte internationale aux flambées épidémiques.
Des systèmes de surveillance des maladies de type grippal et des infections respiratoires aiguës sévères ont été mis en place afin de développer les capacités locales en vue d’un dépistage, d’une reconnaissance et d’une réponse précoces face à tout nouveau virus grippal susceptible de donner lieu à une pandémie. Au total, 16 centres nationaux de la grippe ont été créés dans la Région pour procéder à l’isolement, au séquençage et au test de résistance antiviral du virus grippal. De plus, le Cadre de préparation en cas de grippe pandémique, une initiative unique de partenariat public-privé, a été étendu en vue de renforcer les capacités des pays en matière de dépistage et de riposte au virus grippal potentiellement pandémique et d’augmenter l’accès aux vaccins et autres fournitures liées aux pandémies. Les capacités des laboratoires pour la prévention, le dépistage et la maîtrise des maladies ont également été renforcées.
Même si des défis persistent, la moyenne régionale de la couverture par la troisième dose du vaccin antidiphtérique-antitétanique-anticoquelucheux (DTC3) est toujours de 82 % et 14 pays ont maintenu une couverture vaccinale systématique par le DTC3 à plus de 90 % en 2014. Malgré la survenue de flambées dans plusieurs pays, dans l’ensemble le nombre de cas rapportés de rougeole a chuté de moitié entre 2011 et 2014. Des campagnes antirougeoleuses ont été lancées dans 12 pays en 2015, permettant la vaccination de plus de 65 millions d’enfant avec le vaccin contenant une valence rougeole. Des progrès considérables ont été effectués dans le renforcement des capacités, la planification et l’évaluation des programmes de vaccination, et des groupes consultatifs techniques nationaux pour la vaccination sont à présent établis dans presque tous les pays. Le Comité régional a approuvé la mise en œuvre d’un nouveau plan d’action régional pour les vaccins en 2015. Dans les zones en situation de crise où les établissements de santé ont été endommagés, détruits ou sont inexistants, notamment dans les camps de personnes déplacées, des approches innovantes à base communautaire comprenant l’établissement d’équipes de soins mobiles ont été mises en place avec succès. De telles innovations ont permis de combler les écarts en matière de couverture vaccinale, notamment pour la rougeole.
Un cadre opérationnel régional a été élaboré pour mettre en œuvre le plan d’action mondial de lutte contre la résistance aux antimicrobiens dans la Région. Les données et les informations factuelles ont été générées concernant la charge, l’échelle et la magnitude de la menace que constitue la résistance aux antimicrobiens dans la Région, et des actions de santé publique ont été harmonisées avec le secteur de la santé animale en vue d’une approche intégrée et coordonnée visant à lutter contre cette menace émergente pour le genre humain.
La couverture du traitement pour le VIH a quasiment doublé entre 2011 et 2014, bien que la couverture globale pour le traitement antirétroviral des personnes éligibles demeure en deçà de 20 %.
Une augmentation régulière de la notification des nouveaux cas de tuberculose est observée depuis 2012, tandis que le taux de guérison a connu une amélioration, avec un taux de 91 % en 2015, soit un résultat bien supérieur à la cible mondiale de 85 %.
L’incidence estimée et le taux de décès dus au paludisme ont chuté entre 2010 et 2015.
Orientations futures
En plus de renforcer les efforts pour maîtriser les flambées de maladies transmissibles, les actions doivent se concentrer sur la sécurité sanitaire, notamment le fait que tous les pays doivent appliquer le Règlement sanitaire international (2005) dans son intégralité. Les capacités requises au titre du RSI (2005) doivent être réalisées. Bien que les auto-évaluations indiquaient des niveaux assez élevés d’application des réglementations, des missions d’évaluations ultérieures en réponse à l’importation potentielle d’Ebola ont révélé de nombreuses lacunes critiques dans les pays. Ces lacunes, telles que l’absence de structures opérationnelles de coordination, de centres opérationnels d’urgence et de surveillance en temps réel des menaces sanitaires aigües, doivent être comblées grâce à des efforts concertés des États Membres. L’OMS, avec les États Membres, a défini les étapes spécifiques que les pays doivent suivre et a fourni le soutien technique et le renforcement des capacités en vue d’une application totale du RSI (2005). Au moyen de nouvelles évaluations externes conjointes harmonisées, et en collaboration avec le Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale (PASSM), les compétences de bases du RSI seront évaluées dans tous les pays. Nous avons établi comme objectif d’évaluer 10 pays sur le reste de l’année 2016, en commençant par le Pakistan qui a conduit l’évaluation début mai 2016. L’OMS et les pays doivent déployer le cadre stratégique pour la lutte contre les maladies émergentes, et élaborer un cadre pour l’intégration du système d’alerte rapide pour les flambées de maladies dans les pays affectés par des crises humanitaires. Le réseau d’experts formés et d’institutions techniques sera élargi pour apporter un soutien aux États Membres dans le processus de détection des flambées, dans les enquêtes sur le terrain et la capacité de riposte. La préparation institutionnelle de l’OMS doit être renforcée pour une réponse rapide et complète aux menaces sanitaires émergentes. La coordination transfrontalière entre les pays doit aussi être renforcée. Combattre la menace grandissante de la résistance aux antimicrobiens constituera une priorité de premier ordre.
Les programmes de vaccination ont grandement contribué à protéger la santé publique et à faire la promotion du développement sanitaire et socioéconomique global. Tandis que la contribution du gouvernement aux programmes de vaccination a augmenté dans tous les pays, il est possible que le niveau de fonds disponibles alloués par des donateurs à l’échelle mondiale soit amené à baisser dans les années à venir ; les pays doivent donc renforcer leurs efforts pour s’assurer que les programmes de vaccination complets reçoivent un financement suffisant.
La persistance de la violence, le désordre civil, les personnes déplacées et les crises humanitaires dans de nombreux pays de la Région ont contribué à repousser l’éradication de certaines maladies transmissibles, la priorité étant temporairement donnée à leur maîtrise. Pour autant, des plans complets reposant sur les données factuelles sont toujours en vigueur en vue du but ultime d’éradication qui sera atteint au moyen d’une collaboration continue entre toutes les parties.