C. Zedini,1 A. Ben Cheikh,1 M. Mallouli,1 M. Limam,1 J. Sahli,1 M. El Ghardallou,1 A. Mtiraoui 1 et T. Ajmi 1
انتشارُ التدخين بين الطلاب في مدينة سوسة بتونس والعواملُ المرتبطة بذلك
شكيب الزيديني، أسماء بن الشيخ، منال الملولي، منال الإمام، جيهان الساحلي، مريم الغردلُّو، علي المطيراوي، ثريا العجمي
الخلاصة: في إطار مكافحة استهلاك التبغ بين الشباب أجرينا دراسة وصفية مقطعية في عام 2013 لتقدير معدل انتشار التدخين بين الطلاب في سوسة وتحديد العوامل المرتبطة بذلك. فتم استخدام استبيان لعينة ممثِّلة مكوَّنة من 556 طالباً في 5 مؤسسات أكاديمية في سوسة اختيروا بطريقة عشوائية. وكانت أعمار المشاركين بين 17 و 35 عاماً. فكان انتشار استهلاك التبغ في الأشهر الـ 12 السابقة للبحث 22.1%، وكان الاستهلاك خلال الـ 3 أشهر الماضية 65.3%. وكان متوسط عمر البدء في التدخين 17 عاماً. وكان انتشار التدخين أعلى بكثير لدى الذكور (P < 0.001) ولدى مَن تجاوزت أعمارهم الـ 25 عاماً (P = 0.002). وكان استهلاك التبغ لدى تلاميذ مؤسستين أعلى من أقرانهم في المؤسسات الأخرى (P = 0.027). إن ارتفاع معدل انتشار التدخين الذي وُجد لدى الطلاب يعني أن اتخاذ تدابير وقائية أمر ضروري. وهذا يتطلب تنمية احترام الذات، وتقييم برامج التدخل التي تنفَّذ قبل تدخين السيجارة الأولى.
RÉSUMÉ Dans le cadre de la lutte contre le tabac auprès des jeunes, une étude descriptive transversale a été menée en 2013 afin d'estimer la prévalence du tabagisme et d'identifier les facteurs qui lui sont associés parmi les étudiants de la ville de Sousse. Un questionnaire a été administré auprès d'un échantillon représentatif de 556 étudiants inscrits dans cinq établissements universitaires à Sousse tirés au hasard. L'âge des répondants variait entre 17 et 35 ans. La prévalence de la consommation de tabac durant les 12 derniers mois était de 22,1 % et la consommation durant les trois derniers mois était de 65,3 %. L'âge moyen de début de consommation tabagique était de 17 ans. La prévalence tabagique augmente significativement avec le sexe masculin (p
Prevalence of and factors associated with smoking among students in Sousse, Tunisia
ABSTRACT Within the framework of the fight against tobacco among young people, we conducted a descriptive cross-sectional study in 2013 to estimate the prevalence of smoking and to identify associated factors among students in Sousse. A questionnaire was administered to a representative sample of 556 students in 5 academic institutions in Sousse randomly drawn. The age of the participants was between 17 and 35 years. The prevalence of tobacco consumption in the past 12 months was 22.1% and consumption during the past 3 months was 65.3%. The average age of starting smoking was 17 years. Smoking prevalence was significantly higher for males (P < 0.001) and those aged over 25 years (P = 0.002). Students from 2 of the institutions were using more tobacco than their colleagues in the other institutions (P = 0.027). The high prevalence of smoking found among the students means that prevention measures are essential; this requires increasing self-esteem and evaluating intervention programmes implemented before smoking the first cigarette.
1Faculte de Medecine Ibn El Jazzar de Sousse, Sousse, Tunisie (Correspondance à adresser à C. Zedini :
Reçu : 12/11/14; accepté : 12/05/15
Introduction
L'accroissement des conduites addictives constitue aujourd'hui un problème majeur de santé, notamment chez les étudiants (1,2). En effet, la transition que représente le passage du lycée à l’université est à l’origine de nombreux changements, et de l’apparition ou parfois l’aggravation des consommations de substances psychoactives (3). Parmi ces substances, on note le tabac qui représente un des produits addictifs les plus consommés chez les étudiants (3,4).
Dans ce sens, de nombreuses études épidémiologiques ont permis de mesurer l’ampleur du tabagisme chez les jeunes générations (4).
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, 1,1 milliard sont fumeurs, soit le tiers de la population mondiale âgée de 15 ans et plus (5). En France, et d’après les données de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 36,2 % des étudiants français s’avèrent être des fumeurs réguliers (2). C’est la prévalence tabagique la plus importante de toutes les tranches d’âge de la vie (2). Ainsi, le tabac tue chaque année plus de cinq millions de personnes et constitue un facteur de risque majeur pour de nombreuses pathologies (6). Son usage quotidien dès le jeune âge constitue la première cause de mortalité prématurée (7).
Dans les pays en développement, le nombre de jeunes adultes
commençant à fumer s’est multiplié et la consommation de tabac par habitant a augmenté (8). Malgré une discrète tendance à la baisse constatée depuis une trentaine d’années, la situation ne semble pas être meilleure en Tunisie (9). En effet, on peut retenir que chez les célibataires de 18 à 29 ans, 30 % consomment du tabac (10). Au vu de la prévalence élevée du tabagisme, en particulier chez les jeunes, qui fument autant que la population générale (9), les mesures de lutte antitabac menées depuis quelques années doivent s’intensifier contre ce fléau (11). Auparavant, nous avons jugé utile d’estimer la prévalence de la consommation de nicotine durant les 12 derniers mois et d’explorer les facteurs qui y sont associés auprès des étudiants de cinq facultés de la région de Sousse en vue d’orienter notre intervention.
Méthodologie
Type d’étude et population étudiée
Il s’agit d’une étude descriptive transversale menée durant l’année universitaire 2012-2013 auprès d’un échantillon d’étudiants inscrits dans cinq établissements universitaires du gouvernorat de Sousse :
Institut Supérieur des Sciences Appliquées et de Technologie de Sousse (ISSAT)
Faculté de Médecine de Sousse (FMS)
Faculté de Droit de Sousse (FDS)
Institut Supérieur de Finances et de Fiscalité de Sousse (ISFFS)
Institut Supérieur de Musique de Sousse (ISMS).
Dans le présent travail, n’ont été inclus que les étudiants présents les jours de passage dans l’établissement et ayant accepté de participer à notre étude.
Échantillonnage
Une liste des établissements
universitaires du gouvernorat de Sousse a été retirée auprès du rectorat. Ces derniers ont été regroupés par spécialité (littérature, économie, sciences médicales, sciences technologiques, sciences des arts), puis un établissement par spécialité a été tiré au sort. Nous avons procédé à plusieurs visites dans les établissements afin de remettre le questionnaire. Au sein de chaque établissement, nous nous sommes déplacés dans les différentes salles de cours, de travaux dirigés, les bibliothèques et les amphithéâtres et nous avons demandé aux étudiants de remplir le questionnaire de façon anonyme et confidentielle en leur expliquant le cadre de cette étude. Les questionnaires étaient récupérés sur le champ.
Notre étude a concerné au total 574 étudiants quelle que soit l’année d’étude, en instance de thèse de doctorat ou inscrits dans un master de recherche.
Collecte des données
L’enquête a été entamée après avoir eu une autorisation du président de l’université de Sousse. L'étude a été effectuée à l'aide d'un auto-questionnaire, administré par un seul enquêteur préalablement formé.
Les données portaient sur les éléments suivants :
caractéristiques socio-démographiques : sexe, âge, établissement universitaire, niveau d’étude, redoublement, origine géographique, niveau socio-économique, mode de vie, état civil de l’étudiant, état civil des parents.
Le niveau socio-économique est évalué selon la catégorie socio-professionnelle du père. La classification adoptée est inspirée de la classification du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (France) des professions et catégories socio-professionnelles (12):
Favorisée A : chefs d’entreprise de dix salariés ou plus, cadres et professions intellectuelles supérieures, instituteurs, professeurs des écoles.
Favorisée B : professions intermédiaires.
Moyenne : agriculteurs exploitants, artisans et commerçants, employés.
Défavorisée : ouvriers, retraités, inactifs (chômeurs n’ayant jamais travaillé, personnes sans activité professionnelle).
Les catégories « favorisée A » et « favorisée B » ont été regroupées en une seule catégorie « favorisée ».
Consommation tabagique : consommation moyenne durant les 12 derniers mois (c’est la variable d’intérêt de la présente étude), consommation actuelle (ceux qui ont fumé tous les jours ou presque durant les trente derniers jours), âge de début de la consommation, fréquence de consommation de tabac et présence d’une éventuelle dépendance.
Concernant la fréquence de la consommation tabagique, la classification de l’Institut de la statistique du Québec (13) qui classe les fumeurs en quatre catégories a été adoptée :
les fumeurs quotidiens sont des étudiants qui ont fumé au moins 100 cigarettes au cours de leur vie et qui ont fumé des cigarettes tous les jours au cours des trente jours précédant l’enquête ;
les fumeurs occasionnels sont des étudiants qui ont fumé au moins 100 cigarettes au cours de leur vie et qui ont fumé moins que tous les jours au cours des trente jours précédant l’enquête ;
les fumeurs débutantssont des étudiants qui ont fumé entre 1 et 99 cigarettes au cours de leur vie et qui ont fumé au cours des trente jours précédant l’enquête ;
les anciens fumeurs sont des étudiants qui ont fumé 100 cigarettes au cours de leur vie mais qui n’ont pas fumé au cours des trente jours précédant l’enquête.
Par ailleurs, le risque de dépendance nicotinique a été déterminé par le test de Fagerström abrégé (14). Ce test est composé de deux questions ; chacune est côtée de zéro à trois points. Un score de dépendance sera calculé par la suite et on obtient trois catégories de dépendance :
absence de dépendance à la nicotine si le score est inférieur ou égal à un ;
dépendance modérée à la nicotine si le score est supérieur ou égal à deux et inférieur ou égal à trois ;
forte dépendance à la nicotine si le score est supérieur ou égal à quatre et inférieur ou égal à six.
Afin d’étudier les facteurs associés à l’usage de tabac, nous nous sommes basés sur les facteurs ayant prouvé leur lien avec le tabagisme dans certains articles, à savoir, sexe, famille monoparentale ou séparée versus parents en couple, conditions économiques, milieu de vie, tabagisme dans la famille (parents fumeurs) et redoublement ou échec scolaire (8,15-17).
Analyse des données
L'analyse statistique a été effectuée en utilisant le logiciel SPSS 18.0.
Afin d'étudier la part de certains
facteurs associés au tabagisme, le test
du χ2 a été utilisé lorsque les conditions de validité le permettaient pour les variables qualitatives. Le seuil de significativité (p) était fixé à 0,05.
Résultats
Caractéristiques de la population étudiée
Parmi les 574 étudiants recrutés dans cette étude, 556 ont répondu convenablement au questionnaire qui leur a été distribué (soit un taux de 96,9%) avec un sex ratio de 0,93. L’âge moyen des participants était de 21,8 ans (écart type [ET] 2,2) (n = 556). La répartition des étudiants selon le sexe, l’âge moyen et l’établissement universitaire est résumée dans le tableau 1.
Plus de la moitié des étudiants (55,2 % ; n = 307) était
inscrite en première et deuxième année, 30,8% des étudiants (n = 171) étaient inscrits en troisième et quatrième année et 14 % (n = 78) avaient un niveau d’études supérieur à cinq ans. Seulement 9,6 % (n = 53) étaient des redoublants.
Concernant l’origine géographique et le niveau socio-économique, plus des trois quarts des étudiants vivaient en milieu urbain (78,5 % ; n = 434) et 40,2% (n = 202) appartenaient à la
classe économique favorisée. La majorité des participants étaient célibataires (75,6 % ; n = 418) et vivaient avec les deux parents (73,6 % ; n = 408) (Tableau 2). Concernant l’état civil des parents des participants, 96,1 % (n = 514) des pères et 94,1 % (n = 513) des mères étaient mariés.
Consommation tabagique
Prévalence de la consommation tabagique
La prévalence globale de
consommation de cigarettes pendant les 12 derniers mois était de 22,1 %, intervalle de confiance à 95% (IC95 %) :18,9-25,7 (n = 123). La prévalence tabagique chez les étudiants de sexe masculin durant les 12 derniers mois était de 41 % (n = 110) et celle chez le sexe féminin était
de 4,5 % (n = 13) (Tableau 2). Par ailleurs, la consommation actuelle (lors des 30 derniers jours) est de 13,8 % (n = 77) par rapport à la totalité de notre échantillon. Cette consommation représente 65,3 % (IC95 % : 55,9-73,7) parmi les fumeurs durant les 12 derniers mois (77/118). L’âge moyen de début du tabagisme était de 17,2 (ET 2,9) ans.
Fréquence de la consommation tabagique
Parmi les fumeurs, un étudiant sur deux (48,6 % ; n = 53) avait une consommation quotidienne. Environ un étudiant sur cinq (18,3 % ; n = 20) avait une consommation occasion-nelle ; 26,6 % (n = 29) étaient des fumeurs débutants et 6,4 % (n = 7) étaient des anciens fumeurs. La fréquence de la consommation tabagique ne différait pas significativement en fonction du sexe.
Dépendance à la nicotine (n = 104)
La prévalence de la dépendance tabagique était forte chez 33,9 % (n = 39) des cas et faible chez 14,8 % (n = 17) des étudiants dépendants. Cinquante-neuf (51,3 %) étaient non dépendants au tabac.
Facteurs associés au tabagisme
La prévalence du tabagisme augmente significativement avec le sexe
masculin (p < 10-3) et l’âge des étudiants supérieur à 25 ans (p = 0,002) (Tableau 2). Selon les établissements universitaires, la prévalence tabagique était significativement différente (p = 0,027), en faveur de l’Institut Supérieur de Musique (40 % ; n = 10) (Tableau 2).
Discussion
Le tabagisme constitue un problème de santé publique (18). Les adolescents et les jeunes sont la principale cible : de ce fait, des actions de prévention s’avèrent nécessaires pour préserver la santé des jeunes et éviter les maladies liées au tabagisme. Afin d’avoir une idée sur le tabagisme en milieu universitaire et de planifier une éventuelle intervention de prévention, nous avons mené une étude chez les étudiants au niveau de cinq établissements universitaires. Par ailleurs, pour des raisons d’accessibilité aux étudiants de différents niveaux d’études au sein des établissements universitaires, nous avons opté pour un échantillonnage de convenance.
La prévalence de la consommation tabagique trouvée dans notre étude (22,1 %) était nettement inférieure à celle de la population générale tunisienne qui a été estimée en 2008 par l'Association tunisienne de Lutte contre le cancer (ATCC) à 36 % (9). Les études faites en 2004 (Harrabi et al.) et 2011 (Khefacha et al.) à Sousse ont montré des prévalences respectives chez les étudiants de 19 % et de 32,6 % (19,20). D’autres études à l’échelle nationale ont trouvé des résultats différents. Ainsi, l’étude conduite par Soltani et al. en 1997 à Monastir [18] révélait une prévalence du tabagisme chez les étudiants de 33 % contre 10 % pour l’étude de Fakhfakh et al. faite en 2003 à Tunis (11).
À l’échelle internationale, Chakroun et al., Fernandez et al., Kracmarova et al. et De Andrade et al. ont rapporté des prévalences respectives de 35,4 %, 29,3 %, 28,0 % et 27,8 % (4,21-23) (Tableau 3). Cette différence de résultats pouvait être expliquée par le fait que nous comparons des groupes d’étudiants de structures différentes en utilisant des instruments de mesure différents et un mode d’échantillonnage différent. Ainsi, d’après ces études et bien d’autres menées dans le monde, la consommation tabagique chez les étudiants reste élevée malgré les campagnes antitabac qui ont été mises en place. Ceci nous amène à réfléchir sur les stratégies adoptées actuellement et leur efficacité.
L’analyse selon le sexe montre que la prévalence tabagique augmente avec le sexe masculin. La même constatation a été faite dans les autres études tunisiennes (9,11) et étrangères, notamment musulmanes
et arabes (9,24). En effet, l’étude menée en Arabie saoudite auprès de 400 étudiants en 2014 a montré que la prévalence chez les étudiants était de 27,6 % contre 2,4 % chez les étudiantes (6). Cette différence entre les deux sexes envers le tabac peut être expliquée par des considérations d’ordre socio-culturel et religieux. En fait, les sociétés arabes considèrent le tabagisme féminin comme un tabou dévalorisant l’image de la fille, mais cette image est en train de changer ces dernières années en faveur du modèle occidental (25). Par ailleurs, cet écart se réduit dans les pays occidentaux où les femmes fument autant que les hommes. En effet, les femmes sont des victimes soumises à l’image séduisante, libérée et dynamique véhiculée par les campagnes publicitaires et les magazines de mode (26). Cette image pourrait expliquer la forte prévalence du tabagisme féminin où la cigarette fait partie des attributs symboliques de l’émancipation, de la féminité et du plaisir (26).
L’âge moyen d’initiation au tabac
est de 17,25 ans (ET 2,9) dans notre travail. Il est légèrement en dessous de
l’âge de début retrouvé dans de nombreuses études tunisiennes (19-20 ans) (8,9). En Europe, l’étude multicentrique menée auprès de 2249 étudiants en 2009 a montré que l’âge moyen de
début de la consommation de tabac était entre 11 et 15 ans (7). Au niveau de cette dernière étude, le tabagisme a débuté à l’adolescence, avant l’entrée dans la vie universitaire. Ceci semble lié
à un malaise personnel et psychologique, en principe transitoire (27). Il ressort ainsi que les programmes de prévention se basant, entre autres, sur l’éducation sanitaire doivent avoir comme cible principale les jeunes adolescents (11).
Dans notre étude, la prévalence tabagique était plus élevée dans
la tranche d’âge de plus de 25 ans (43,8 %). Par contre, en France, d’après les données de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), la tranche d’âge 18-25 ans est celle où la fréquence du tabagisme est maximale (36,2 %) (2). Cette fréquence diminue régulièrement dans les tranches d’âge supérieures (2). La différence de prévalence de cette tranche d’âge pourrait être expliquée par l’initiation tardive au tabac et l’indépendance financière des jeunes qui se concrétise à un âge tardif.
Selon l’établissement d’enseignement supérieur, la Faculté de Médecine de Sousse se classe en quatrième position avec 19,8%. Dans le même sens, Moaouad et al. dans une étude comparative chez une population d’étudiants libanais a
trouvé que la prévalence de la dépendance à la nicotine était significativement inférieure chez les étudiants en médecine par rapport à leurs homologues d’autres facultés (28). Certainement, le tabagisme constitue un problème sérieux pour tout
étudiant quelle que soit sa discipline académique, mais cette gravité
nous semble prendre davantage d’importance lorsqu’il s’agit d’un futur médecin vu l’image négative qu’il va véhiculer, non seulement à ses patients, mais à toute la population en général (importance du rôle modèle) (29). Par ailleurs, plusieurs études ont montré un taux plus élevé d’abus de substances psychoactives (tabac, alcool, marijuana) chez les médecins comparés à la même tranche d’âge de la population générale en rapport avec le stress de la profession médicale (29,30).
Dans notre étude, 18,3 % des étudiants consommaient du tabac de façon occasionnelle. Ce mode de consommation tabagique (occasionnelle), selon plusieurs études, se rencontre plus fréquemment chez les jeunes adultes (31,32) qui chercheraient à partager cette consommation dans un cadre festif ou de convivialité (33). Ainsi, les fumeurs occasionnels utilisent le tabac comme un signe d’engagement social, mais aussi pour atténuer les émotions négatives (33). En outre, ces derniers ne se considèrent pas comme de vrais fumeurs et sont plus confiants quant à leur capacité d’arrêter de fumer (34), ce qui a comme conséquence une faible demande
d’aide pour le sevrage tabagique et de faibles tentatives d’arrêt. Donc les
actions de prévention doivent essentiellement toucher cette catégorie de fumeurs. En effet, bien que ces fumeurs consomment moins de cigarettes et aient moins de dépendance nicotinique (35), plusieurs études ont montré la progression de ces consommateurs vers des habitudes tabagiques plus enracinées en développant une dépendance nicotinique à long terme (31). Ce type de consommation tabagique doit être pris en considération dans les programmes de lutte antitabac afin d’inciter ces consommateurs au sevrage et de prévenir l’escalade.
Conclusion
Ainsi, au regard des résultats de cette étude, la prévention du tabagisme dans nos milieux universitaires est jugée prioritaire à plusieurs titres vu la forte prévalence de la consommation de
cette substance parmi les étudiants (22,1 %), la lourde morbidité et la mortalité qui y sont liées et son potentiel introductif, selon la théorie
de l’escalade, vers d’autres produits comme le cannabis et l’alcool.
Les stratégies de lutte contre le tabac ont consisté presque exclusivement jusqu’ici en une information sur les risques liés à l’usage du tabac. La majorité des actions de prévention étaient ponctuelles à l’occasion de la célébration de journées nationales, maghrébines et mondiales, dont certaines sont spécifiques au milieu universitaire. Dans ce cadre, nous prévoyons d’instaurer un programme
de prévention tabagique en collaboration avec le service de médecine universitaire de la Direction régionale de santé de base de Sousse. Ce programme a pour objectif non seulement d’améliorer les connaissances des étudiants sur les méfaits du tabac sur leur santé mais aussi, et surtout, de mettre en exergue la manipulation qu’exerce l’industrie du tabac, de favoriser l’estime de soi des étudiants, de créer des activités physiques (tournois sportifs) et intellectuelles (clubs de jeu d’échecs) en milieu universitaire. Ces actions s’étendront de façon régulière sur une période minimale de six mois, sinon plus, afin de provoquer une prise de conscience et engendrer un changement d’attitudes sur une période de 12 à 18 mois (36).
Par ailleurs, en Tunisie, bien qu’on dispose depuis plus d’une dizaine d’années de mesures législatives relatives à l’interdiction de fumer dans les lieux publics, l’application de cette loi reste toutefois à vérifier ; son application en milieu universitaire afin de bénéficier d’une université sans tabac fait partie de notre mission.
Remerciements
Nous tenons à remercier tout le personnel administratif des différents établissements universitaires et du Rectorat de Sousse qui nous ont facilité la collecte des données.
Conflit d’intérêt : aucun.
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