Research article
H.A.H. Joutei,1 A. Hilali,2 T. Fechtali,3 N. Rhallabi 1 et H.Benomar 4
العدوى بالملوية البوابية لدى 755 مريضاً بشكوى هضمية؛ معهد باستور، المغرب 1998-2007
هناء عمراني حسني جوطي، عبد اللطيف الهلالي، توفيق فشتالي، نعيمة غلابي، حكيمة بن عمر
الخلاصـة: درس الباحثون معدَّل انتشار العدوى بالملوية البوابية لدى 755 مريضاً بشكوى هضمية تعرفوا عليهم من خلال السجلات المختبرية في معهد باستور، المغرب في المدة 1998-2007، كما درس الباحثون أيضاً العوامل الإبيديميولوجية والحالات الهضمية المتـرافقة مع هذه العدوى. وكان جميع المرضى قد خضعوا لتنظير داخلي وحصلوا على التشخيص بالفحص النسيجي. وكان معدَّل انتشار العدوى بالملوية البوابية %69. وكان الفرق في معدَّل الانتشار بين الفئة العمرية 40-50 عاماً وغيرها من الفئات العمرية ذا أهمية إحصائية يُعْتَدُّ بها. فيما لم يتـرافق الجندر بأهمية ذات اعتداد إحصائي. ووجد الباحثون الملوية البوابية لدى %92 من حالات التهاب المعدة المزمن. وكانت ناحية فؤاد المعدة هي الأكثر استعماراً بالملوية البوابية (%92) يتلوها قاع المعدة (%73) ثم البواب (%6).
RÉSUMÉ Nous avons évalué la prévalence de l’infection à Helicobacter pylori chez 755 patients présentant des symptômes digestifs, recensés au laboratoire de l’Institut Pasteur du Maroc de 1998 à 2007. Les facteurs épidémiologiques ainsi que les principales maladies gastriques liées à cette infection ont également été étudiés. Tous les patients avaient bénéficié d’une fibroscopie et le diagnostic a été fait par l’examen histologique. La prévalence de l’infection à H. pylori est de 69 %. Ce taux semble, après analyse statistique, lié significativement à l’âge. En effet, l’infection est plus importante dans la tranche d’âge 40-50 ans. En revanche, le sexe ne présente aucun effet sur la prévalence de l’infection qui est surtout associée aux gastrites chroniques (92 %). La région antrale est la plus colonisée par H. pylori (73 %), suivie du fundus (21 %) et du pylore (6 %).
Helicobacter pylori infection in 755 patients with digestive complaints: Pasteur Institute, Morocco, 1998–2007
ABSTRACT We determined the prevalence of Helicobacter pylori infection in 755 patients with digestive complaints identified from laboratory records at the Pasteur Institute, Morocco from 1998 to 2007. Epidemiological factors and gastrointestinal conditions associated with this infection were also studied. All patients underwent endoscopy and diagnosis was by histology examination. The prevalence of H. pylori infection was 69%. The difference in prevalence between the age group 40–50 years and other age groups was statistically significant; gender had no significant association. H. pylori infection was found in 92% of chronic gastritis cases. The prevalence of H. pylori was significantly higher in the antrum (73%) than in the corpus (21%) and the pylorus (6%).
1Laboratoire d’Environnement, Faculté des Sciences et Techniques, Université Hassan II, Mohammedia (Maroc) (Correspondance à adresser à
H. ani Hassani Joutei :
2Département de Génétique médicale, Faculté de Médecine et Pharmacie, Université Hassan II, Casablanca (Maroc).
3Laboratoire de Physiologie et Pharmacologie, Faculté des Sciences et Techniques, Mohammedia (Maroc).
4Laboratoire d’Anatomo-cyto-pathologie, Institut Pasteur du Maroc, Casablanca (Maroc).
Reçu : 08/04/09; accepté : 26/07/09
EMHJ, 2010, 16(7): 778-782
Introduction
Depuis la découverte en 1982 par Marshall et Warren de la bactérie Helicobacter pylori dans l’antre gastrique, les nombreux travaux qui lui ont été consacrés ont montré son rôle étiopathogénique dans plusieurs affections gastriques et duodénales(gastrite, maladie ulcéreuse, lymphomes, cancer gastrique) [1].
L’infection à H. pylori est probablement l’infection la plus fréquente à travers le monde et environ 40 % de la population mondiale en serai t atteinte [2]. De 20 à 90 % des individus adultes sont infectés selon les pays, l’infection étant plus fréquente en milieu défavorisé, de bas niveau socio-économique [3].
Le mode de transmission de H. pylori est encore incertain. Étant donné que la bactérie H. pylori a été isolée dans des selles, ainsi que dans la salive et sur des plaques dentaires, ceci laisse supposer qu’une transmission est possible par voie oro-orale ou par voie féco-orale [4]. Notre objectif à travers cette étude est d’évaluer la prévalence de l’infection à H. pylori chez les malades colligés sur une période de 10 ans (du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2007) au Laboratoire d’Anatomo-cyto-pathologie de l’Institut Pasteur du Maroc et d’étudier l’impact des différents facteurs épidémiologiques ainsi que les principales maladies gastriques liées à cette infection.
Méthodes
Patients
Il s’agit d’une étude épidémiologique intéressant 755 patients (334 hommes et 421 femmes) dont l’âge varie entre 3 et 89 ans avec une moyenne d’âge de 44,45 ans (ET 14,42). Ils présentaient tous des symptômes digestifs et avaient bénéficié d’une fibroscopie digestive haute entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2007. La fiche d’enquête du patient la plus complète mentionnait le nom, l’âge, le sexe, la nature du prélèvement et le diagnostic clinique.
Nature du prélèvement
La fibroscopie réalisée par le médecin traitant avait permis des prélèvements biopsiques souvent au niveau des régions antrales, parfois au niveau de la région antro-fundique ou antro-pylorique. Ces biopsies étaient souvent fixées à l’aide de formol et rarement avec le liquide de Bouin. Ensuite, elles étaient acheminées au Laboratoire d’Anatomo-cyto-pathologie de l’Institut Pasteur du Maroc pour une étude histologique.
Méthode diagnostique
L’examen histologique des biopsies, pièces opératoires et prélèvements tissulaires post-mortem permet d’obtenir une bonne qualité morphologique et a également l’avantage de permettre une conserva-tion quasi-illimitée des prélèvements à température ambiante. Cet examen est souvent effectué, en premier lieu, pour rechercher une anomalie de la muqueuse gastrique, notamment une inflammation ou un processus cancéreux. Il est également utilisé pour dépister H. pylori qui est souvent la cause majeure de cette anomalie.
La coloration hématoxyline-éosine, qui permet de déterminer le type de lésions histologiques causées par H. pylori, a toujours été complétée par la coloration de Giemsa lent qui donne un meilleur contraste pour la bactérie.
Analyse statistique
La saisie et l’analyse des données ont été réalisées à l’aide du logiciel Epi Info, version 6.04 française, et les comparaisons entre les proportions ont été effectuées par les tests de χ2. Les différences ont été considérées significatives si la valeur de p est inférieure à 0,05.
Résultats
Prévalence de l’infection à H. pylori dans la population étudiée
Les résultats de notre travail montrent une très grande fréquence de l’infection à H. pylori dans la population concernée. H. pylori a été mise en évidence dans 69 % des cas, avec un âge moyen de 43,48 (ET 14,24) ans contre 46,53 (ET 14,85) ans pour les sujets non infectés par H. pylori (Tableau 1).
Effet du sexe sur la prévalence de l’infection
Notre série démontre que la positivité à H. pylori est de 53 % chez les femmes et de 47 % chez les hommes (sex ratio de 1,12) présentant une différence non significative (χ2 = 1,84 ; p = 0,18 > 0,05) (Tableau 2).
Effet de l’âge sur la prévalence de l’infection
L’analyse statistique de nos résultats a permis de déterminer que seul le facteur âge était associé de façon significative à la prévalence de l’infection à H. pylori (χ2 = 38,22 ; p = 0,000003 < 0,05) (Tableau 3).
En effet, nous avons relevé une fréquence de 20 % des patients positifs à H. pylori dans la classe d’âge de 30-40 ans mais la plus forte prévalence est notée chez les sujets appartenant à la tranche d’âge 40-50 ans (35 %) avec une moyenne d’âge de 43,48 ans (ET 14,24).
Effet du siège de prélèvement sur la prévalence de l’infection
Concernant la répartition selon le siège du prélèvement, les résultats obtenus ont démontré que la localisation préférentielle de H. pylori est l’antre gastrique. En effet, 73 % des lésions sont attribuées à l’antre, 21 % sont observées au niveau du fundus. Par contre, le pylore reste le siège le moins infecté (6 %) (Tableau 4).
Types de pathologies gastriques associées à l’infection
L’infection par H. pylori est devenue le facteur étiologique incontournable de nombreuses pathologies gastriques. Nous avons étudié, par conséquent, sa responsabilité dans le cadre de chacune de ces affections. L’analyse de nos résultats a démontré que 92 % de la population infectée par H. pylori était atteinte de gastrites chroniques souvent atrophiques (Tableau 5). Concernant l’ulcère gastrique, sa fréquence était de 5 % alors que le cancer n’a été observé que chez 3 % de cette population.
Discussion
L’infection à H. pylori est universel-lement répandue mais elle est plus élevée dans les pays en voie de développement (78 % en Algérie, 71 % au Maroc, 69 % en Côte d’Ivoire) [5]. La prévalence de cette infection est de 69 % chez la population étudiée. Cette fréquence se situe dans les limites des valeurs rapportées par plusieurs études africaines qui varient de 56,4 % à 91,3 % et reste supérieure aux données européennes où cette fréquence ne dépasse pas 45 % [6-8]. Il est à noter que le personnel de santé qui travaille dans le service de gastro-entérologie semble exposé à un risque plus élevé à contracter une infection par H. pylori [9], ce qui n’a pas été confirmé dans notre étude.
Elmanama et al. ont démontré que les deux sexes sont indifféremment touchés par l’infection due à H. pylori [10], confirmant les résultats de notre série. Cependant, d’autres études ont noté une prédominance masculine [11,12].
Par ailleurs, si on compare par tranches d’âge, H. pylori est retrouvé dans notre série à un taux de 35 % chez les patients dont l’âge se situe entre 40 et 50 ans, avec une moyenne d’âge de 43,48 (ET 14,24) ans. Cette moyenne est inférieure aux chiffres européens qui sont autour de 60 ans [13,14] alors que pour des auteurs ivoiriens [6] et palestiniens [10], aucune différence significative n’a été rapportée concernant les tranches d’âge.
Ilboudo et al. avancent qu’en Afrique, tout individu pris à l’âge adulte et quel que soit son niveau socio-économique a vécu une enfance dans un environne-ment propice à la contamination [15]. En effet, certains travaux ont montré que la contamination se fait tôt dans l’enfance, et avant 10 ans plus de 50 % des enfants des pays en développement seraient déjà contaminés [16,17]. Comparativement à notre étude, nous avons également observé des taux d’infection par H. pylori chez des enfants de moins de 13 ans mais leur faible effectif n’autorise pas à porter de conclusion.
Le siège de prolifération de H. pylori est l’antre gastrique par excellence. En effet, l’antre est colonisé par H. pylori chez 73 % de notre population. Ces résultats sont en accord avec ceux de l’étude menée dans la région de Gharb-Chrarda-Beni Hssen qui attribue 70,9 % des lésions à ce siège [18]. Par contre, ces valeurs restent supérieures à celles rapportées par Binan et al. et Seoane et al. qui attribuent respectivement 40,0 % et 48,1 % des lésions à H. pylori au siège antral [19,20].
D’une autre part, H. pylori est à l’origine de la survenue de plusieurs pathologies digestives dont la gastrite qui est souvent asymptomatique. Des auteurs marocains présument que H. pylori est effectivement corrélée le plus souvent à une gastrite chronique atrophique avec une prévalence de 95,56 % [18]. Ces résultats concordent avec ceux retrouvés dans notre étude.
Concernant l’ulcère gastrique qui est responsable d’un taux de mortalité de 2,5 %, son incidence annuelle est de 0,5/1000. Dans notre série, sa fréquence dans la population infectée est de 5 %. En outre, les preuves de l’implication de H. pylori dans l’ulcère gastrique restent moins documentées. Il est à noter que cette population atteinte de gastrites et d’ulcères constituerait un terrain à risque pour la survenue d’un cancer.
Il est aujourd’hui clairement établi que H. pylori est responsable du cancer gastrique et qu’aucun cancer de ce type ne se développe en l’absence de cette bactérie [21]. Les études menées par Haruma ont montré une prévalence plus élevée d’infections à H. pylori dans les populations affectées de cancers gastriques que dans les populations témoins [22]. Ces résultats établissent un lien de causalité qui a conduit un groupe d’experts réuni par le Centre international de Recherche sur le Cancer à classer H. pylori comme carcinogène certain [23]. Néanmoins, le nombre de patients susceptibles de développer un cancer est minime comparativement à l’importance de la population infectée par H. pylori [22]. Ceci concorde avec les résultats de notre série où seulement 3 % de notre population avait développé un cancer.
Conclusion
H. pylori a été mise en évidence chez 69 % de la population concernée ; la classe d’âge la plus infectée pendant ces dix années est celle comprise entre 40 et 50 ans avec un taux de 35 %. Elle est retrouvée autant chez les hommes que chez les femmes, les taux étant respectivement de 47 % et 53 % ; le sexe ne présente donc aucun effet sur la prévalence de l’infection par H. pylori. Notre étude a démontré également que H. pylori est impliquée dans 92 % des gastrites, 5 % des ulcères et 3 % des cancers gastriques. Cet agent à l’origine de ces différentes pathologies gastriques a comme siège préférentiel l’antre gastrique avec un taux de 73 %, suivi du fundus (21 %), le pylore restant le siège le moins infecté (6 %).
Remerciements
L’auteur remercie vivement Mmes Nadia Elgnaoui, Moutahir Saida, Serdani Marya et Rifki Naima pour leur assistance technique ainsi que Mme Jihane Bouhala pour son aide dans la recherche documentaire.
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