Allaitement maternel exclusif et allaitement mixte : connaissances, attitudes et pratiques des mères primipares

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Research article

F. Ben Slama,1 I. Ayari,2 F. Ouzini,3 O. Belhadj4 et N. Achour 1

الإرضاع المقتصر على الثدي والإطعام المختلط للرضَّع: المعارف والمواقف والممارسات لدى الأمهات البكريات

فتحي بن سلامة، أنيس أياري، فوزية أوزيني، عمران بلحاج، نور الدين عاشور

الخلاصـة: قيّم الباحثون المعارف والمواقف والممارسات لدى الأمهات البكريات فيما يتعلق بالإرضاع المقتصر على الثدي والإرضاع باللبن الاصطناعي. فأجرى الباحثون مقابلات شملت 260 امرأة، وأوضحت النتائج أن %41.5 من النسوة يقتصرن على الإرضاع من الثدي، فيما يقدِّم %58.5 منهن لأطفالهن اللبن الاصطناعي عبر القنينة لوحدها أو مع الإرضاع من الثدي. ومن بين اللواتي يرضعن أطفالهن، فإن %43 منهن لم يرضعن أطفالهن بعد ولادتهن مباشرةً، ولا يعرفن شيئاً عن اللبأ. ولم يكن مجمل الوضع حول المعارف والمواقف والممارسات لدى الأمهات يبعث على الرضى فيما يتعلق بالقواعد الذهبية للإرضاع الناجح من الثدي، وبالمدة المثالية للإرضاع المقتصر على الثدي، وبالطعام الذي ينبغي أن يدخل ضمن التغذية التكميلية ووقت إدخاله، وقد يكون ذلك ناجماً عن انخفاض مستوى الالتحاق بالمدارس وضعف المعلومات، ومن هنا فإن تحسين استـراتيجيات رعاية الأمهات خلال فتـرة الحمل وبعدها أمر ضروري.

RÉSUMÉ Nous avons évalué les connaissances, les attitudes et les pratiques de femmes primipares vis-à-vis de l’allaitement maternel exclusif et du lait artificiel. Au total, 260 femmes ont été interrogées. Les résultats montrent que 41,5 % de ces femmes utilisent en exclusivité l’allaitement maternel et 58,5 % utilisent le lait artificiel seul ou en complément au lait maternel. Parmi les mères qui allaitent, 43,0 % n’ont donné le sein pour la première fois que le lendemain de l’accouchement et n’ont aucune information sur le colostrum. Les connaissances, les attitudes et les pratiques des mères primipares sont insatisfaisantes concernant les règles à suivre lors de la mise au sein de l’enfant, la durée idéale de l’allaitement maternel exclusif et les aliments essentiels à introduire lors du début de la diversification de l’alimentation du nourrisson. Cela pourrait être dû entre autres à un niveau d’information et de scolarisation faible, d’où l’intérêt de l’amélioration des stratégies de prise en charge des jeunes mères durant les phases pré- et post-natales.

Exclusive breastfeeding and mixed feeding: knowledge, attitudes and practices of primiparous mothers

ABSTRACT We assessed the knowledge attitudes and practices of primiparous women with regard to exclusive breastfeeding and the use of formula milk. A total of 260 women were interviewed and the results showed that 41.5% of the women breastfed exclusively while 58.5% bottle-fed only or did so together with breastfeeding. Of those who breastfed, 43.0% did not do so soon after giving birth and did not know about colostrum. Overall, the knowledge, attitudes and practices of the mothers were unsatisfactory concerning the golden rules for successful breastfeeding, the ideal duration of exclusive breastfeeding and the food to include when introducing complementary feeding. This might be due to a low level of schooling and information, hence the need for improving strategies for maternal care during the antenatal and postnatal periods.

1Institut National de Santé Publique, Tunis (Tunisie) (Correspondance à adresser à F. Ben Slama : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.)

2Faculté de Pharmacie de Monastir, Monastir (Tunisie).

3Centre de Soins de Santé de Base de l’Ariana, Ariana (Tunisie).

4Faculté des Sciences de Tunis, Tunis (Tunisie).

Reçu : 08/01/09 ; accepté : 11/05/09

EMHJ, 2010, 16(6): 630-635


Introduction

Si l’allaitement maternel est largement désiré et adopté par les mères partout dans le monde, la réussite de sa poursuite reste tributaire de plusieurs facteurs. Les études disponibles tirent une réelle sonnette d’alarme face au déclin observé concernant la pratique de l’allaitement maternel [1]. En effet, on assiste actuellement à une tendance à la régression de cette pratique en rapport avec les progrès dans la fabrication, la commercialisation des laits industriels et le manque d’information et de sensibilisation des mères. Les formules lactées du commerce destinées aux enfants dont les mères ne souhaitent ou ne peuvent pas allaiter constituent aujourd’hui une alternative sanitaire tout à fait acceptable, sans qu’il soit culpabilisant pour les parents de les utiliser, mais les bénéfices avancés de l’allaitement maternel, souvent issus d’observations réalisées, conduisent néanmoins à encourager les femmes à allaiter de façon exclusive pendant au moins six mois.

Cependant, les connaissances, les attitudes et les pratiques des mères demeurent insuffisantes. Malgré les bénéfices indiscutables de l’allaitement maternel tant pour l’enfant que pour sa mère, sa pratique reste insuffisante ou mal menée par les mères, surtout s’il s’agit de femmes primipares. Dans ce contexte, nous avons réalisé une enquête auprès d’un groupe de femmes primipares, dont les objectifs sont de connaître la perception de celles-ci vis-à-vis de l’intérêt du lait et de l’allaitement maternels, d’évaluer leur niveau de connaissance vis-à-vis des règles à suivre pour mener à bien l’opération de l’allaitement et enfin d’évaluer la perception des femmes qui optent pour l’allaitement mixte vis-à-vis de l’intérêt du lait pharmaceutique.

Méthodes

Population étudiée

Notre travail a concerné un échantillon de 260 femmes primipares venant consulter en pédiatrie ou pour la vaccination de leurs enfants au Centre de Soins de Santé de Base (CSSB) de l’Ariana.

L’enquête a duré cinq semaines. Lors de notre passage au CSSB, en collaboration avec le médecin coordinateur, la diététicienne et la sage-femme, nous consultons les fiches d’inscription du jour pour repérer les femmes primipares et les prendre à part pour l’enquête. Chaque femme choisie est interrogée à part de façon dirigée.

Méthodes

Pour réaliser l’enquête, nous avons utilisé un questionnaire comportant 25 questions fermées et semi-ouvertes. Les questions nous ont permis essentiellement de recueillir les informations sur l’âge de la femme et de son enfant, son niveau d’instruction, sa profession, sa pratique et son comportement pendant la mise au sein de l’enfant, ses connaissances sur les avantages du lait maternel, les conditions où la mère ne doit pas allaiter l’enfant, l’âge du début de la diversification de l’alimentation de l’enfant et les principaux aliments à introduire.

De même des questions ont été posées aux mères utilisant le lait artificiel concernant essentiellement ses avantages pour l’enfant, les conditions de mise de l’enfant au biberon et les différents types de lait disponibles selon l’âge de l’enfant.

Les questions ont été posées par nous-même en utilisant un langage simple et facile à comprendre par la femme. Avant la mise en forme définitive du questionnaire, nous l’avons testé auprès de 10 femmes primipares venant consulter au PMI (Centre de Protection de la Mère et de l’Enfant) de la même région où nous avons réalisé l’enquête.

Analyse statistique 

Les données ont été saisies au moyen du logiciel Excel et analysées au moyen du logiciel SPSS version11.5. Nous avons calculé des fréquences simples et des fréquences relatives (pourcentages) pour les variables qualitatives. Nous avons calculé des moyennes et des écarts types pour les variables quantitatives. Les comparaisons de pourcentage sur séries indépendantes ont été effectuées par le test du χ2 de Pearson, et en cas de non-validité de ce test, et de comparaison de deux pourcentages, par le test exact bilatéral de Fisher.

Résultats 

L’âge moyen des femmes est de 27,9 ans (4,03). Le mode est de 28 ans. L’âge moyen des enfants est de 5,17 mois (3,8). Trois pour cent des femmes enquêtées sont analphabètes, 27 % ont un niveau de scolarisation primaire, 30 % ont un niveau secondaire et 40 % un niveau supérieur. Unique-ment 13 % des femmes travaillent : parmi celles-ci, 40 % sont des cadres moyens ou ouvrières, 10 % sont des cadres supérieurs, 20 % sont des fonctionnaires et 30 % ont une fonction libérale.

Informations concernant le lait maternel avant l’accouchement 

Nos résultats ont montré que seule-ment 44 des femmes ont été informées sur les avantages et l’intérêt de l’allaitement maternel. Dans la majorité des cas (58 %), la source principale d’information était les parents, dans 23 % des cas, c’était le médecin et la sage-femme et dans 19 %, la sage-femme et la diététicienne.

Première mise au sein après l’accouchement

D’après le tableau 1 ci-dessous, nous constatons que la plupart des femmes (43 %) ne donnent le sein que le lendemain de l’accouchement alors que seulement 20 % des femmes donnent le sein dès la première heure après l’accouchement.

Exclusivité de l’allaitement au sein

D’après le tableau 2, on remarque que la majorité des femmes ne donnent pas le sein de manière exclusive (58,5 %). Les justifications données par les mères enquêtées qui n’allaitent pas en exclusivité sont les suivantes : 15 % des femmes trouvent que l’allaitement exclusif au sein est fatiguant alors qu’environ 24 % des femmes disent que c’est à cause de l’enfant qui ne veut pas accepter le sein. Une femme sur cinq explique la non-exclusivité de l’allaitement au sein par le manque de temps et le refus du sein par l’enfant. Le tableau 3 ci-dessous donne les principales réponses à ce propos.

Concernant l’âge d’introduction du biberon en cas de mixité, 56 % des femmes qui ont opté pour ce mode d’allaitement l’ont fait dès la naissance, 24 % à 2 mois et 20 % 3 mois après l’accouchement.

Connaissances des mères utilisant la mixité concernant l’utilisation du biberon et le lait artificiel 

Nos résultats ont montré que uniquement 13 % des femmes allaitantes utilisant la mixité pour l’allaitement de l’enfant savent qu’il y a un type de lait adapté pour chaque groupe d’âge, alors que 40 % dans ce même groupe de femmes ne connaissent pas l’existence de différents types de lait pour bébé.

De même, concernant les circonstances où la mère doit allaiter l’enfant au moyen de lait artificiel telles que la dépression et la fatigue après l’accouchement, une infection chez la mère, nous avons trouvé que seulement 31 % ont un niveau de connaissance acceptable.

Connaissances sur l’intérêt nutritionnel du lait artificiel 

Nous avons demandé aux femmes primipares enquêtées utilisant la mixité ou en exclusivité le lait artificiel si celui-ci protège mieux contre les maladies et les infections car il contient des produits pharmaceutiques.

Les réponses à cette question ont montré que 36 % confirment ces avantages ; 41 % ont répondu qu’elles ne connaissent rien sur ce sujet malgré l’utilisation de ce type de lait.

Connaissances des mères concernant les avantages de l’allaitement maternel

Afin d’apprécier les connaissances des mères concernant les avantages du lait maternel, à savoir le lait maternel protège contre les maladies infectieuses, assure une bonne croissance, protège contre l’allergie, donne un sentiment d’amour et de sécurité, un moyen de contraception et diminue le risque du cancer, nous avons catégorisé de façon arbitraire les différentes réponses en trois niveaux et ce, selon le pourcentage de bonnes réponses données par les mères par rapport au total des réponses exactes aux questions posées :

niveau de connaissance satisfaisant : pourcentage de bonnes réponses ≥ 70 % ;

niveau de connaissance moyen : pourcentage entre 40 % et 60 % ;

niveau insuffisant : pourcentage < 30 %.

Le tableau 4 ci-dessous résume les résultats à ce propos.

D’après le tableau 4, on observe qu’une mère sur deux a un niveau de connaissance insuffisant concernant les différents avantages du lait maternel.

Connaissances des mères concernant les conditions de contre-indication de l’allaitement au sein 

Nous avons utilisé la même procédure précédemment citée pour l’appréciation du niveau de connaissance des mères concernant les circonstances durant lesquelles on ne donne pas le sein au bébé, entre autres maladies cardiaques de la mère, troubles psychiques et abcès du sein. D’après le tableau 4 ci-dessous, on remarque d’après ces données que dans la majorité des cas (60 %), les femmes primipares ont un faible niveau de connaissances.

Par ailleurs, concernant l’âge limite d’allaitement au sein, d’après les mères qui le font en exclusivité, nous avons trouvé que 29 % des mères pensent que l’âge limite d’allaitement au sein est de 3 à 4 mois, alors que seulement une femme sur cinq pense qu’on doit allaiter au sein au-delà de 4 mois.

À propos du nombre de tétées à donner au bébé, nous avons trouvé que la majorité des femmes enquêtées (73 %) et qui allaitent exclusivement au sein le font à la demande du bébé et donc, elles n’ont pas un nombre limité de tétées par jour.

Connaissances des mères concernant les règles d’hygiène lors de l’allaitement au sein

Nous avons demandé aux mères enquêtées si elles connaissent les principaux actes hygiéniques à respecter par la mère lors de l’allaitement au sein, tels que le lavage des mains à chaque tétée, la vidange du premier sein avant de passer au second, le séchage du mamelon au cours de l’allaitement et enfin, le badigeonnage du mamelon avec une goutte de lait en fin de tétée. Nous remarquons que deux femmes sur trois ne connaissent pas suffisamment et convenablement ces principes. Le tableau 4 ci-dessous résume la répartition des niveaux de connaissance des mères à ce propos.

Diversification de l’alimentation de l’enfant 

Pour l’âge d’introduction d’autres aliments avec le lait maternel (mixité de l’alimentation du nourrisson), nous avons trouvé pour l’ensemble des femmes enquêtées que 8 % sont pour l’âge entre 6 et 12 mois, 20 % pour 4 mois et 72 % proposent entre 2 à 3 mois. Les aliments les plus proposés au cours de cette phase sont le yaourt, le bouillon de légumes, les œufs, le riz, le sorgho, les biscuits cuisinés, la préparation à base de farine et la purée de pommes de terre. Par ailleurs, nous avons proposé une liste d’aliments aux mères en leur demandant de choisir ceux qui sont une bonne source de protéines utiles pour la croissance de l’enfant. Les principaux aliments que nous avons proposés sont l’œuf, la banane, les viandes, le poisson, la farine, le sorgho, les biscuits, l’orange et le yaourt. Les niveaux de connaissance des mères à propos de ce sujet sont donnés dans le tableau 4 ci-dessous.

Discussion 

Notre travail a porté sur 260 femmes primipares allaitantes, venant consulter au Centre de Soins de Santé de Base de l’Ariana, une des plus grandes régions du grand Tunis.

Notre enquête vise à montrer la place du lait maternel dans l’alimentation des nourrissons des mères primipares et à évaluer le niveau des connaissances de ces mères ainsi que de celui des femmes qui optent pour un allaitement mixte vis-à-vis respectivement du lait maternel et du lait artificiel. Comme nous le savons, le lait maternel doit avoir une place importante dans l’alimentation du nouveau-né. La femme primipare doit être bien préparée avant son accouchement et doit avoir des connaissances satisfaisantes concernant l’hygiène de vie de son premier bébé, son alimentation et surtout l’utilité du lait maternel et ses avantages nutritionnels ainsi que les particularités de la diversification [1-4].

Nos principaux résultats ont montré qu’environ 30 % des femmes ont un niveau de scolarité faible (analphabètes ou scolarité primaire). Seulement 13 % des femmes travaillent. Ces facteurs sont très importants pour la prise de décision concernant l’adoption de tout comportement. En effet, le niveau d’études élevé est un facteur régulièrement associé à une durée prolongée d’allaitement maternel [5,6]. Quant au niveau socio-économique, un déclin de l’allaitement maternel lié à l’accroissement du niveau de vie est noté dans les pays en développement. Ceci est confirmé par le travail de Meziane qui a trouvé que 76,6 % des femmes pauvres donnaient de manière satisfaisante le sein contre 38,4 % des femmes aisées [7,8]. Dans les pays industrialisés, il existe une corrélation positive entre le niveau socio-économique élevé et le taux de démarrage précoce de l’allaitement maternel [9].

Dans notre travail, nous avons trouvé que parmi les femmes primipares enquêtées, uniquement 44 % ont été informées sur l’importance de l’allaitement au sein et sur les avantages qui en découlent, ce qui est très insuffisant. Nous avons également trouvé que seulement 20 % des femmes primipares ont donné le sein au nourrisson pour la première fois dès la première heure après l’accouchement et ce, malgré l’importance nutritionnelle du colostrum. Ces femmes ont été informées en consultation prénatale par les professionnels de la santé unique-ment dans 42 % des cas (médecin, sage-femme et diététicienne). Il s’est avéré par des études que l’évolution des attitudes et pratiques vis-à-vis de l’allaitement maternel dès la naissance expliquerait en grande partie l’évolution du taux et de la durée de l’allaitement maternel.

Le rôle des professionnels de la santé et de leur organisation dans le succès de l’allaitement maternel est indiscutable. C’est ainsi que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’UNICEF ont lancé en 1992 l’initiative « Hôpitaux amis des bébés » [10,11].

Nos résultats ont montré également que 58,5 % des femmes optent pour la mixité très tôt et ont recours au lait artificiel. Les motifs donnés par ces femmes sont essentiellement : le manque de temps (29 %), l’allaitement exclusif au sein est fatigant (15 %), le refus du sein par l’enfant (24 %). Ces justifications données par ces mères primipares pourraient être dues entre autres à un manque d’information, d’autant plus qu’elles n’ont pas encore été exposées à de mauvaises expériences antérieures. Parmi les constatations déduites figure le risque de malnutrition auquel pourraient être exposés ces nourrissons à court ou à long terme suite à l’arrêt précoce ou l’abandon de l’allaitement maternel.

C’est pour cette raison qu’il serait impératif d’encadrer encore plus les femmes allaitantes et d’observer un effort plus remarquable de la part des professionnels de la santé pour aider les femmes allaitantes et surtout primipares à surmonter les difficultés rencontrées lors de l’allaitement. En effet, une étude néerlandaise a montré qu’une des premières causes de cessation de l’allaitement durant les premières semaines tient à des difficultés et que celles-ci sont souvent liées à une mauvaise information sur la technique de mise en route [12].

De même, plusieurs études ont montré qu’un encadrement des femmes allaitantes et un accompagnement dans les premières semaines pouvaient considérablement réduire le nombre d’arrêts liés aux difficultés [13,14].

Nos résultats ont également montré un niveau de connaissance des mères primipares faible concernant les avantages du lait maternel (40 %), les conditions de contre-indication de la mise de l’enfant au sein (60 %), les bons gestes et les techniques hygiéniques à respecter lors de l’allaitement au sein (66 %). Ces données sont très importantes et montrent bien l’absence d’une stratégie d’IEC (Information/Éducation/Communication) qui pourrait soutenir, encadrer et améliorer le niveau de connaissance, les attitudes et pratiques de ces femmes primipares. Cette situation nous semble inquiétante compte tenu de la protection substantielle de l’allaitement maternel, réduisant la morbidité et la mortalité infantile, et du caractère vital de l’allaitement maternel dans les pays en développement [15]. Pour les femmes utilisant le lait artificiel, nous avons également trouvé des lacunes au niveau de leur niveau de connaissance concernant la rythmicité des tétées, les différents types de lait existants et les conditions d’allaitement. Cette situation est encore bien pire que celle concernant le lait maternel vu l’incapacité du lait artificiel à protéger le bébé contre les infections et lui assurer une satiété sous un faible volume. La majorité des mères primipares enquêtées (72 %) proposent l’âge de 2 à 3 mois comme période d’introduction d’autres aliments pour l’enfant (diversification). Seulement 8 % sont pour l’âge de 6 à 12 mois et 20 % pour l’âge de 4 mois.

Parmi les aliments les plus proposés par les mères au cours de cette phase de diversification, nous avons trouvé : yaourt, bouillon de légumes, œufs, riz, drôo (poudre de sorgho), biscuits cuits, assida (bouillie à base de semoule ou de farine) et purée de pomme de terre. Cette diversification et mixité précoces pourraient être insuffisantes pour couvrir les besoins de l’enfant. Nasraoui et al. ont montré l’insuffisance de l’alimentation diversifiée précocement comparativement à celle des bébés exclusivement allaités au sein jusqu’à 5 mois [16].

Enfin, nos résultats ont montré que 21 % des mères enquêtées ne connaissent pas les aliments sources de protéines de bonne qualité tels qu’œufs, poissons et viandes qui sont d’une importance énorme pour la croissance et le développement staturo-pondéral de l’enfant.

En général, nous avons trouvé que le niveau de connaissance, d’attitude et de pratique des mères primipares n’est pas très encourageant pour la bonne promotion du lait maternel. Ces constatations ont été confirmées par d’autres études. Au Maroc, des études ont montré que si l’allaitement maternel est largement désiré et adopté par les mères comme partout dans le monde, la réussite de sa poursuite reste tributaire de plusieurs facteurs. On assiste à une tendance à la régression de l’allaitement maternel en rapport avec les progrès dans la fabrication, la commercialisation des laits industriels et le manque d’information et de sensibilisation des mères [17,18].

Conclusion

L’allaitement maternel reste toujours un acte très complexe, le plus naturel et bénéfique qu’il est malaisé de remplacer, dans l’état actuel des choses. Aucune autre action ne peut influencer aussi intensément la santé présente et future du bébé. C’est pourquoi l’allaitement maternel doit rester un impératif absolu. Il n’est bien sûr pas question de culpabiliser les mères qui ne souhaitent pas allaiter ou souhaitent le faire seulement pendant une courte période. Cependant, il faut tout faire pour que toutes les femmes qui veulent allaiter puissent le faire dans des conditions satisfaisantes pour elles-mêmes et leur enfant. Ainsi, les décideurs des programmes de santé de la mère et de l’enfant doivent mieux réfléchir sur la stratégie d’encadrement et d’information des mères en matière de nutrition pendant la prise en charge et le suivi lors des périodes pré- et postnatales.

Références

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