Research article
K. Amazian,1,2 J. Rossello,3 A. Castella,4 S. Sekkat,5 S. Terzaki,6 L. Dhidah,7 T. Abdelmoumène,8 J. Fabry1 et les membres du réseau NosoMed
انتشار العدوى المستشفوية في 27 مستشفى في منطقة البحر الابيض المتوسط
كاميليا أمزيان، خوسي روسيلو، اناليزا كاستيلا، سعاد السقاط، ثريا ترزاكي، لمين دحيدح، طاوس عبد المومن، جاك فابري، وأعضاء شبكة نوزوميد
الخلاصـة: أجرى الباحثون دراسة متعددة المراكز شملت 27 مستشفى في الجزائر ومصر وإيطاليا والمغرب وتونس، لتقيـيم معدل انتشار العدوى المستشفَوية وخصائصها، وشملت الدراسة 634 4 مريضاً كانوا نسبياً في سن الشباب، إذْ بلغ وسطي أعمارهم 41.1 عاماً (بانحراف معياري مقداره 23.4). وبلغ معدل انتشار العدوى المستشفوية لديهم %10.5، وهو معدل أعلى في المراكز غير التعليمية وفي المستشفيات المتوسطة الحجم. وعلى وجه الإجمال، كانت عدوى المسالك البولية هي الأكثر شيوعاً. وكانت العدوى في أقسام الأطفال مرتفعة على نحوٍ خاص (%11.3). أما الجراثيم المستفرَدَة الأكثر شيوعاً فكانت الإشريكية القولونية E.coli (%17.2)، والعنقودية الذهبية (%12.5)، والزائفة الزنجارية Psendomonas والكلبسيلَّة الرئوية (%9.2). وفي الوقت الذي أجريت فيه الدراسة كان %40.7 من المرضى يخضعون للمعالجة بالمضادات الحيوية، وكان نصفهم تقريباً يتلقون تلك المعالجة على أساسٍ تجريـبي. ووجد الباحثون أن العدوى المستشفوية تـتـرابط بدرجةٍ يُعْتَدُّ بها إحصائياً مع التنفس الميكانيكي ومع التَّـريُّث في التخريج من المستشفى لمدة تعادل أو تـزيد على 8 أيام ، ومع وجود قثطرة مركزية، أو محيطية، ومع وجود قثطرة بولية، ومع السكري، ومع العمر.
RÉSUMÉ Une étude multicentrique a été menée dans 27 hôpitaux en Algérie, en Égypte, en Italie, au Maroc et en Tunisie afin d’évaluer la prévalence et les caractéristiques des infections nosocomiales. La population de l’étude (4634 patients) était relativement jeune avec une moyenne d’âge de 41,1 ans (écart type [ET] 23,4). La prévalence des infections nosocomiales était de 10,5 % ; celle-ci était plus élevée dans les centres non universitaires et dans les hôpitaux de taille moyenne. Globalement, les infections urinaires étaient les plus fréquentes. Les services de pédiatrie ont enregistré une prévalence particulièrement élevée (11,3 %). Les germes les plus fréquemment isolés étaient Escherichia coli (17,2 %), Staphylococcus aureus (12,5 %), Pseudomonas aeruginosa et Klebsiella pneumoniae (9,2 % chacun). Le jour de l’enquête, 40,7 % des patients étaient sous traitement antibiotique, dont presque la moitié avec une indication empirique. La survenue d’une infection nosocomiale était significativement associée à la ventilation mécanique, un délai de séjour supérieur ou égal à 8 jours, la présence d’un cathéter central ou périphérique, une sonde urinaire, au diabète, et à l’âge.
Prevalence of nosocomial infections in 27 hospitals in the Mediterranean region
ABSTRACT A multicentre study was conducted in 27 hospitals in Algeria, Egypt, Italy, Morocco and Tunisia to evaluate the prevalence and characteristics of the nosocomial infections. The study population (4634 patients) was relatively young, mean age 41.1 (standard deviation 23.4) years. The prevalence of nosocomial infections was 10.5%; this was higher in non-teaching centres and moderate-sized hospitals. Overall, urinary tract infections were the most common. Paediatric departments rated particularly high (11.3%). The most commonly isolated organisms were: Escherichia coli (17.2%), Staphylococcus aureus (12.5%), Pseudomonas aeruginosa and Klebsiella pneumoniae (9.2% each). On the day of the study, 40.7% of the patients were under treatment with antibiotics, with nearly half for an empirical indication. Nosocomial infection was significantly associated with mechanical ventilation, hospitalization ≥ 8 days, presence of a central or peripheral catheter), urinary catheter, diabetes and age.
1Laboratoire d’épidémiologie et santé publique, Université Claude Bernard, Lyon (France) (Correspondance à adresser à K. Amazian :
Reçu : 15/02/2010 ; accepté : 31/03/10
EMHJ, 2010, 16(10):1070-1078
Introduction
Les infections nosocomiales représentent un problème de santé publique universel. Mais si la lutte contre ces infections est bien organisée dans les pays développés, elle l’est beaucoup moins dans les pays de faible niveau socio-économique qui souffrent, pour la majorité, d’une absence de réglementation et du manque de données représentatives de surveillance.
Les enquêtes de prévalence constituent l’outil de base pour la surveillance des infections nosocomiales. Elles ont même été recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé pour des études nationales ou internationales [1]. Elles permettent de faire, de manière simple et à moindre coût, un état des lieux du risque infectieux nosocomial. Cet avantage est encore plus considérable dans les pays de faible niveau socio-économique où les ressources disponibles pour la lutte contre les infections nosocomiales font défaut [2]. De plus, ces enquêtes constituent un outil de sensibilisation et d’information du personnel [3,4].
Dans la région méditerranéenne, peu d’études multicentriques ont été menées sur le sujet. Excepté une étude de prévalence nationale conduite au Maroc en 1994 [5], les autres enquêtes concernant l’infection nosocomiale ont été réalisées à une échelle plus restreinte, souvent au niveau d’un seul hôpital, ce qui rend difficile la possibilité de réflexions communes afin de proposer des solutions cohérentes et efficientes. Autrement, les données des différentes études ne sont pas comparables de façon directe puisque les méthodologies adoptées diffèrent entre elles [6].
Ainsi nous avons entrepris, dans le cadre du réseau NosoMed (Strengthening HealthCare Epidemiology for the Investigation of Nosocomial Infections in the Mediterranean Area), une enquête de prévalence des infections nosocomiales afin de répondre au besoin de faire un état des lieux de l’étendue des infections nosocomiales dans la région méditerranéenne, en incluant un nombre relativement important d’hôpitaux pilotes et en utilisant une méthodologie standardisée et commune à ces hôpitaux.
Les objectifs de cette étude étaient de déterminer le taux de prévalence des infections nosocomiales dans des hôpitaux pilotes de la région méditerranéenne, de connaître les sites les plus fréquents de ces infections et leur prévalence, de déterminer les micro-organismes les plus impliqués dans les infections nosocomiales, d’étudier les facteurs de risque liés à ces infections, d’évaluer la consommation des antibiotiques et enfin de sensibiliser le personnel à la gravité de l’infection nosocomiale.
Méthodes
L’enquête a été conduite dans 27 établissements publics ou privés : quatre établissements en Algérie, dix en Égypte, trois en Italie, six au Maroc et quatre en Tunisie. La participation des établissements était volontaire. Tous les patients admis depuis 48 heures ou plus étaient inclus.
Le recueil d’information, par des enquêteurs formés, s’est fait en examinant les dossiers médicaux des patients, ceux des soins infirmiers et les résultats de laboratoire, en plus de l’interrogatoire du personnel, au besoin. Les définitions de l’infection nosocomiale étaient basées sur celles des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) [7].
Les données recueillies sur une fiche standardisée ont concerné :
l’identification de l’établissement et du service ;
les caractéristiques du patient : admission, âge, sexe, facteurs de risque intrinsèques (diabète, obésité, dénutrition, immunodépression, neutropénie) ;
les facteurs de risque extrinsèques : sonde urinaire, cathéter vasculaire périphérique ou central, alimentation parentérale, ventilation mécanique, procédure chirurgicale ;
la présence d’une infection nosocomiale : seules les infections actives étaient prises en compte - date du début de l’infection, cultures, résultat microbiologique et résistance pour certains organismes -, deux infections actives pouvaient être notées ;
la prescription des antibiotiques : molécule et indication.
Les données ont été validées et saisies localement à l’aide d’une application commune sur Epi Info 6.04. L’ensemble des données a été centralisé au niveau du centre de coordination (laboratoire d’épidémiologie et santé publique à Lyon) et analysé avec le logiciel SPSS V12.
L’analyse des facteurs de risque a été effectuée pour l’ensemble des infections nosocomiales et pour les sites les plus fréquemment recensés lors de l’enquête. Une analyse univariée a permis de mesurer l’association des différents facteurs avec la survenue de l’infection nosocomiale (ou des sites d’infection). Cette association a été mesurée à l’aide de l’odds ratio (OR). Les paramètres avec une valeur de p associé au χ2 inférieure à 0,1 ont été introduits dans un modèle logistique afin de déterminer les facteurs de risque indépendants, et la validité du modèle a été évaluée à l’aide du test de Hosmer-Lemeshow.
Résultats
Caractéristiques des établissements
Vingt-sept établissements totalisant 11 853 lits ont participé à l’enquête. Le taux d’occupation des lits par des patients présents depuis 48 heures ou plus était de 39,1 %.
Description des patients
L’enquête a porté sur 4634 patients. L’âge moyen était de 41,1 ans (écart-type [ET] 23,4) et la médiane de 42 ans ; 19,4 % des patients étaient âgés de 65 ans ou plus. Le sex ratio hommes/femmes était de 0,99. La durée moyenne de séjour des patients au moment de l’étude était de 15,4 jours (ET 24,3), la médiane se situant à 8 jours. La durée moyenne de séjour la plus élevée était enregistrée en Algérie (20,7 jours, p = 0,02) et la plus faible au Maroc (7,7 jours, p < < 0,001).
Les caractéristiques des patients et la présence des facteurs de risque intrinsèques par pays sont présentées dans le tableau 1. Les facteurs de risque extrinsèques sont présentés dans le tableau 2.
La présence de facteurs de risque intrinsèques chez les patients issus des hôpitaux égyptiens était plus importante que chez ceux issus des autres pays (différence statistiquement significative pour tous les facteurs de risque cités). Le sondage urinaire, la présence d’un cathéter central et la ventilation étaient plus fréquents chez les patients italiens (p < 10-5), alors que les cathéters périphériques et l’alimentation parentérale étaient plus fréquents en Égypte que dans les autres pays (p < 0,001).
Parmi les patients, 1224 (27,0 %) avaient subi une intervention chirurgi-cale pendant l’admission en cours ; 59,5 % d’entre eux avaient un score ASA (American Society of Anesthesiologists) de 1, 25,2 % un score ASA de 2, 10,9 % un score ASA de 3, 3,9 % un score ASA de 4 et 0,4 % un score ASA de 5.
Prévalence des infections nosocomiales
Parmi les 4634 patients inclus le jour de l’enquête, 413 avaient une ou plusieurs infections nosocomiales, soit un taux de prévalence de 8,9 % (intervalle de confiance [IC]95 % : 8,1-9,8) ; 56 patients ont présenté deux infections et 14 en avaient trois. Le taux de prévalence des infections était de 10,5 % (483 infections au total). La moyenne d’âge des patients infectés était de 41,8 ans contre 41,0 ans pour les patients non infectés (différence non significative). La durée moyenne de séjour entre l’admission et l’infection était de 13,6 (ET 25,9) jours (médiane : 6 jours) avec des grandes variations entre les pays allant de 2,6 jours au Maroc à 24,1 jours en Algérie. La durée moyenne de séjour était significativement plus élevée (p < 0,001) chez les patients infectés (24,6 jours) par rapport aux patients non infectés (14,5 jours).
Le taux de prévalence des infections nosocomiales était plus faible dans les centres hospitalo-universitaires comparé aux hôpitaux non universitai-res (8,3 % vs 11,0 % ; p = 0,008). Selon la taille des établissements, les hôpitaux de plus de 500 lits rapportaient le taux de prévalence le plus faible (7,6 %), suivis par les hôpitaux de moins de 200 lits (10,6 %), alors que les hôpitaux moyens (200-500 lits) avaient le taux d’infections le plus élevé (12,9 %) (p < 0,001).
Le taux de prévalence des patients infectés variait de 6,3 % en Algérie à 11,9 % en Italie. Le tableau 3 présente les résultats par pays. La figure 1 présente les taux de prévalence dans 25 établissements ayant un effectif supérieur à 30 patients inclus. Le taux de prévalence médian était de 8,25 %, avec des extrêmes allant de 0 à 30,2 %. Onze de ces établissements avaient un taux de plus de 10 %, plus élevé que la limite supérieure de l’intervalle de confiance à 95 %.
Sites des infections nosocomiales
Les infections urinaires étaient les infections les plus fréquentes : elles représentaient 25,9 % de l’ensemble des infections nosocomiales contractées et une prévalence de 2,6 %. L’importance des sites d’infection en termes de fréquence était néanmoins différente entre les pays. Les infections urinaires représentaient presque la moitié des infections nosocomiales en Italie ; elles étaient également en tête en Tunisie, avec la même fréquence que les infections de la peau et des tissus mous. En Égypte, les infections du site opératoire (ISO) étaient les infections prédominantes alors que les infections de la peau et des tissus mous étaient les plus fréquentes en Algérie et les infections respiratoires les plus fréquentes au Maroc (Tableau 4).
Infections nosocomiales et spécialité du service
Les services de réanimation étaient ceux qui présentaient le taux de prévalence le plus élevé (24,8 %), suivis des services de pédiatrie (11,3 %). Les services chirurgicaux, la gynéco- obstétrique et les services médicaux avaient des taux de prévalence de 8,0 %, 7,7 % et 7,6 % respectivement. En Italie et en Égypte, les infections nosocomiales étaient plus fréquentes dans les services de médecine (11,5 % et 11,6 % respectivement) que dans ceux de chirurgie (8,6 % et 8,4 % respectivement, différence non significative pour les deux).
Micro-organismes isolés et résistance aux antibiotiques
Pour les 483 infections déclarées, 274 (56,7 %) cultures ont été réalisées dont 230 se sont révélées positives. Au total, 273 germes ont été identifiés. Quatre espèces bactériennes représentaient presque la moitié des germes isolés : Escherichia coli (17,2 %), Staphylococcus aureus (12,5 %), Pseudomonas aeruginosa (9,2 %) et Klebsiella pneumoniae (9,2 %) ; 31,6 % des S. aureus isolés étaient résistants à la méticilline. La résistance a été également recherchée pour les espèces les plus courantes d’entérobactéries (Enterobacter, E. coli et K. pneumoniae) : 13,5 % des 96 souches isolées étaient sensibles à tous les antibiotiques, 39,6 % étaient résistantes aux aminopénicillines, 14,6 % aux céphalosporines de troisième génération, 5,2 % aux céphalosporines de troisième génération, aux quinolones et aux carbapénèmes.
La moitié des 12 A. baumanii identi-fiés étaient résistants aux céphalos-porines de troisième génération, aux quinolones et aux carbapénèmes et un seul était sensible à tous les antibiotiques testés. La résistance n’a pas été précisée pour sept des 25 P. aeruginosa identifiés, deux étaient résistants aux céphalosporines de troisième génération et deux à tous les antibiotiques testés, cinq parmi eux étaient résistants aux aminopénicillines et cinq étaient sensibles à tous les antibiotiques.
Infections nosocomiales et facteurs de risque
En fonction de l’âge des patients, le taux de prévalence le moins élevé était enregistré dans la classe d’âge 25-42 ans. Excepté le sexe et l’obésité, tous les autres facteurs de risque, intrinsèques et extrinsèques, étaient significativement associés à une plus grande fréquence d’infection. Un séjour supérieur à huit jours, le sondage urinaire, la présence d’un cathéter central et la ventilation présentaient un OR supérieur à 3. Le sexe féminin a été associé à un risque élevé uniquement pour les infections de la peau et des tissus mous, avec un OR de 1,64 (IC : 1,01-2,68). L’exposition au risque des différents sites infectieux les plus fréquents est présentée dans le tableau 5. Le lien entre les actes invasifs et les sites pour lesquels ils constituent des facteurs de risque particuliers a été retrouvé (sondage et infections urinaires, ventilation et infections respiratoires, cathéter central et bactériémie). Après ajustement, sept variables ont subsisté comme des facteurs de risque indépendants des infections nosocomiales. Elles sont présentées dans le tableau 6.
Prescription des antibiotiques
La proportion des patients sous antibiotiques le jour de l’enquête était de 40,7 %, avec une indication de prescription empirique dans 40,8 % des cas. Excepté en Tunisie où elle était de 7,7 %, dans les autres pays cette proportion variait de 41,0 % au Maroc à 66,4 % en Égypte ; 17,1 % des patients étaient sous deux antibiotiques ou plus. Les classes d’antibiotiques les plus consommées étaient les pénicillines (32,1 %), les aminoglycosides (15,5 %) et les céphalosporines de troisième généra-tion (14,6 %).
Discussion
Cette étude multicentrique sur la prévalence des infections nosocomiales a l’intérêt de produire des données épidémiologiques représentatives du risque infectieux nosocomial dans la région méditerranéenne.
Avec une moyenne d’âge des patients de 41,1 ans, la population incluse dans l’étude était très jeune : 15,2 % étaient âgés de 65 ans ou plus dans les pays non européens alors qu’en Italie, seul pays européen participant à cette étude, cette proportion était de 61,5 %. Des proportions supérieures à 50 % des patients âgés de 65 ans ou plus sont rapportées dans toutes les études réalisées dans les pays européens [4,8].
Le taux de prévalence des patients ayant acquis une infection nosocomiale dans notre étude était de 8,9 % et celui des infections de 10,5 %. Ces chiffres se situaient dans la fourchette de ceux rapportés dans la littérature, que ce soit dans les pays européens [3,4,8-10], ou dans les pays sud-méditerranéens [11-14]. Nous tenons à rappeler cependant que la comparaison directe avec les données de la littérature est délicate : taille et activité des établissements, méthodologie adoptée, etc. À titre d’exemple, une étude tunisienne a donné un taux de prévalence des patients infectés de 17,9 % [15], mais l’établissement avait la particularité de posséder un grand nombre de lits appartenant à des spécialités à haut risque (unité de soins intensifs, brûlés, oncologie).
Il a été établi par de précédentes études multicentriques que la prévalence des infections nosocomiales augmente avec le niveau de technicité et la taille des établissements [5,8] ; or, dans notre étude, le taux de prévalence des infections nosocomiales était plus élevé dans les hôpitaux non universitaires ainsi que dans les hôpitaux de taille moyenne. Ceci peut être dû en grande partie à des pratiques plus défectueuses et à un manque de règles d’hygiène plus important au niveau de ces hôpitaux mal équipés et peu sensibilisés à la problématique des infections nosocomiales.
La fréquence élevée des infections nosocomiales en réanimation est régulièrement retrouvée dans toutes les enquêtes de prévalence des infections nosocomiales [5,8,12,15,16]. Elle est associée à une forte fréquence de réalisation d’actes invasifs. En revanche, et contrairement à notre étude, la pédiatrie est habituellement un service à faible taux de prévalence des infections nosocomiales ne dépassant pas 4 %, que ce soit dans les pays européens [16] ou dans les autres pays de plus faible niveau socio-économique [5,12,14].
Dans les études réalisées dans les hôpitaux sud-méditerranéens au début des années 1990, les infections du site opératoire constituaient incontestablement les infections les plus répandues, avec des fréquences relatives allant de 29 % à 39,9 % [5,11,16,17]. Dans les études les plus récentes et de la même manière que dans notre étude, les infections du site opératoire sont un peu moins fréquentes et sont dominées souvent par les infections respiratoires [12,15]. La localisation des infections nosocomiales au niveau de la peau et des tissus mous est rarement observée dans la littérature internatio-nale dans des services autres que le long séjour et la psychiatrie [4]. Par contre, cette localisation représente une part importante des infections observées dans notre étude, en Algérie et Tunisie, dans des services de médecine, chirurgie et pédiatrie. Cette prédominance a déjà été signalée dans l’étude de prévalence nationale au Maroc, et elle a été expliquée par un manque d’hygiène hospitalière englobant aussi bien l’hygiène individuelle des patients et du personnel, l’hygiène collective que le non-respect des conditions d’asepsie [5].
Dans le même ordre d’idée, les facteurs de risque extrinsèques étaient les plus associés au risque infectieux nosocomial. Une durée de séjour de huit jours ou plus augmentait considérablement le risque d’acquérir une infection nosocomiale. La présence d’un dispositif invasif ainsi que l’intervention chirurgicale étaient associées à un risque accru d’infections nosocomiales conformément aux données de la littérature [4,5,10,14,16,18].
Concernant les facteurs intrinsèques, seuls le diabète et l’âge ont été associés, de manière plus modérée, au risque infectieux. La stratification sur l’âge a révélé un taux de prévalence des infections nosocomiales particulièrement élevé chez les enfants âgés de plus d’un an. La distribution des infections nosocomiales selon les classes d’âge est assez comparable à celle retrouvée par Bezzaoucha et al. [17] où les sujets âgés de moins de 20 ans et ceux âgés de 40 à 59 ans présentaient les prévalences les plus élevées. Cette distribution est liée en partie au risque élevé dans les services de pédiatrie déjà signalé.
La prescription d’antibiotiques chez les patients enquêtés était particulièrement alarmante. Cette forte prescription d’antibiotiques a été rapportée dans la majorité des études réalisées dans des pays en développement [18,19]. Ainsi 46,8 % des patients enquêtés dans un hôpital tunisien étaient sous antibiotiques et la moitié d’entre eux recevaient deux molécules ou plus ; les céphalosporines de troisième génération étaient les antibiotiques les plus fréquemment administrés [15]. À contrario, dans l’enquête nationale de prévalence de 2001 en France [4], seuls 15,9 % des patients avaient un traitement antibiotique.
Cette étude a permis de faire un premier état des lieux sur la situation des infections nosocomiales dans les hôpitaux pilotes en utilisant la même méthodologie. Elle a permis de mieux approcher les spécificités locales : services de pédiatrie à risque (donc nécessité d’établir des programmes de prévention adaptés aux caractéristiques épidémiologiques de cette spécialité), forte prescription d’antibiotiques (nécessité de normes de bonnes pratiques), localisations des infections nosocomiales toutes présentes avec des proportions assez proches, écart de prévalence beaucoup plus réduit entre les services de réanimation et les autres services (notamment la pédiatrie), ce qui évoque des risques plus liés aux insuffisances dans les pratiques d’hygiène qu’aux procédures invasives.
Mais pour avoir une meilleure approche de la réalité des infections nosocomiales et pour pouvoir évaluer les tendances dans le temps, il serait intéressant que les hôpitaux participant à cette étude réalisent des enquêtes de prévalence périodiques en utilisant le même protocole d’étude. Ce n’est qu’à cette condition qu’une comparaison directe entre les différents taux observés devient acceptable [6]. La mise en place d’études de prévalence successives afin d’avoir des données valides tout en détournant les difficultés liées à une surveillance continue a été recommandée et utilisée par de nombreuses équipes avec succès [10,11,19-21]. Cette méthode a également l’intérêt d’évaluer l’impact des mesures de prévention mises en place entre les enquêtes successives.
De plus, et pour bien étudier la problématique de l’infection nosocomiale au niveau national, il est nécessaire d’effectuer des enquêtes de prévalence avec un nombre d’établissements beaucoup plus important dans chaque pays et ce, par le biais d’un échantillon randomisé représentatif avec une stratification selon la taille des établissements [8,12]. Les résultats de telles études permettraient une approche plus juste de la situation nationale dans le but de proposer des mesures de surveillance nationale standard.
Conclusion
Il est universellement admis que le risque zéro n’existe pas lors d’une hospitalisation ; ce risque doit néanmoins être réduit au maximum. Dans une population telle que celle de notre étude, avec une moyenne d’âge ne dépassant pas les 42 ans et une exposition aux principaux dispositifs invasifs relativement faible, le taux d’infection « incompressible » devrait être beaucoup plus faible si un programme opérationnel en hygiène hospitalière est mis en place.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier tous les collaborateurs qui ont participé à la réalisation de cette étude en Algérie, en Égypte, en Italie, au Maroc et en Tunisie.
Ce travail a été financé par le Programme INCO (International Cooperation – Coopération internationale) de l’Union européenne (contrat n° ICA3-CT-2000-30010).
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