Attitudes des étudiants tunisiens en médecine vis-à-vis de la pratique médicale : différences en fonction du sexe

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Th. Nabli Ajmi,1 M.I. Bougmiza1 et A. Mtiraoui1

مواقف طَلَبة الطب التونسيـين من الممارسة الطبية: الفروق بين الجنسين

ثريا النابلي العجمي، محمد إيهاب بوقميزة، علي المطيراوي

الخلاصـة: استهدفت هذه الدراسة الوصول إلى فهم أفضل للفروق بين الجنسين في الممارسة الطبية في مراكز الرعاية الصحية في تونس، وهي دراسة مستعرضة تناولت مواقف 512 من طَلَبة الطب (منهم 40% من الطالبات) حول الطب والممارسة الطبية في كلية الطب في سوسة. وقد ربطت الطالبات قيمة أكبر مما ربط الطلاب بالجوانب الداخلية لعمل الطبيب مثل الرغبة بمساعدة الآخرين والعمل مع الناس. أما في ما يتعلق بالرعاية الشمولية (الجوانب النفسية والاجتماعية للرعاية، التثقيف الصحي، الأسلوب المرتكز على المرضى والوقاية الطبية)، فقد كان هناك اختلاف واسع بين الطلاب والطالبات. أما في نهاية دوراتهم التدريبية فلا يولي أيٌّ من الطلاب أو الطالبات نفسَ ما أوْلَوْه من الاهتمام لهذه الجوانب في البداية.

RÉSUMÉ: Afin de mieux comprendre l’impact de l’entrée de plus en plus importante des femmes en médecine sur les soins de santé en Tunisie, nous avons mené une étude transversale sur les attitudes de 512 étudiants (40 % de sexe féminin) de la faculté de médecine de Sousse. Les femmes valorisent généralement plus que les hommes les aspects intrinsèques du rôle du médecin tels que le désir d’aider autrui et de travailler avec les gens. Les écarts entre les femmes et les hommes sont nettement marqués en ce qui a trait aux différentes dimensions de la globalité des soins (aspects psychosociaux du traitement, éducation sanitaire, approche centrée sur le patient et prévention en situation clinique). En fin de formation, les femmes et les hommes accordent systématiquement moins d’importance à ces différentes facettes qu’en début de formation.

Attitudes of Tunisian medical students to medical practice: gender differences

ABSTRACT: To better understand the impact of gender change in medical practice on health care in Tunisia, we conducted a cross-sectional study on the attitudes of 512 medical students (40% female) to medicine and medical practice in the Faculty of Medicine, Sousse. Female students attached more value than males to the intrinsic aspects of a physician’s job, such as the desire to help others and to work with people. Regarding the dimensions of comprehensive care (psychosociological aspects of care, health education, patient-centred approach and medical prevention), there were wide differences between men and women. At the end of their training cycles, both male and female students ascribed less importance to these aspects than in the beginning.

1Unité de recherche « Pratique Médicale Ambulatoire », Département de médecine communautaire, Faculté de médecine de Sousse, Sousse (Tunisie) (Correspondance à adresser à T.N. Ajmi : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.)
Reçu : 01/02/06 ; accepté : 21/09/06
EMHJ, 2008, 14(3):686-696


Introduction

Tunisie, la profession médicale était jusqu’il y a deux décennies presque exclusivement réservée aux hommes. Depuis le milieu des années quatre-vingt, les femmes sont néanmoins de plus en plus nombreuses à entreprendre une carrière en médecine. À la faculté de médecine de Sousse, la proportion des étudiantes en médecine inscrites en première année est passée de 18 % en 1974 (première promotion) à 43 % en 1995 et plus de 57 % en 2003 [1].

Des études, pour la majorité nord-américaines, menées auprès des premières femmes en médecine, montrent que celles-ci sont animées par des valeurs et des attitudes différentes de celles de leurs collègues masculins. Elles accordent plus d’importance à la qualité de la relation avec leurs patients et démontrent plus d’empathie et une meilleure écoute envers eux [2]. Les valeurs et les attitudes des médecins sont déterminées en grande partie par trois grandes catégories de socialisation :

la formation médicale : depuis l’étude longitudinale d’Eron [3], plusieurs autres études montrent l’augmentation du cynisme des étudiants au fur et à mesure qu’ils avancent dans leurs études médicales [4-7]. Fox [8] et Parsons [9] suggèrent que cette élévation du cynisme est un simple fait adaptatif aux situations stressantes dans lesquelles vivent les étudiants dans les facultés de médecine.

Le mode et les conditions de travail : un nombre d’heures de travail chez les médecins dépassant 90-100 heures par semaine, une privation de sommeil, une responsabilité excessive et la lutte contre leurs émotions en face de certaines situations stressantes des malades font très peu, d’après Conrad, pour nourrir leurs attitudes et leurs « valeurs humanistes » [10].

Finalement vient la socialisation précoce des futurs médecins, bien avant leur arrivée dans les facultés de médecine. Ce déterminant semble être le plus important pour Reilly qui se demande s’il ne fallait pas, dès le départ, sélectionner les étudiants bien avant leur arrivée dans les facultés de médecine [11]. Sélection qui, selon Conrad, serait basée non seulement sur le versant scientifique mais aussi sur un autre versant qui garantirait compassion et empathie [10].

Il est clair qu’on ne peut pas extrapoler les résultats de la littérature internationale au contexte tunisien. C’est à cet effet que nous avons mené le présent travail de recherche durant l’année universitaire 1995-1996 à la faculté de médecine de Sousse (Tunisie) pour examiner la nature des attitudes et des valeurs professionnelles des médecins en formation.

Notre étude s’est intéressée, d’une part, à relever l’éventuelle existence d’une déshumanisation de la formation médicale telle que perçue dans la littérature, et d’autre part à identifier les attitudes des étudiants en médecine selon le sexe envers la globalité des soins.

Méthode 

Type d’étude 

Il s’agit d’une étude descriptive, de nature transversale, qui vise à mesurer l’évolution des attitudes professionnelles des futurs médecins au cours de leur formation médicale afin de susciter quelques hypothèses étiologiques pouvant être vérifiées par des recherches ultérieures sur ce sujet. La mesure des attitudes s’est faite par un questionnaire auto-administré comprenant des items répartis en quatre sections principales.

Population de l’étude 

La présente enquête a été menée auprès des étudiants en médecine et des internes issus de la faculté de médecine de Sousse. La population de l’étude se répartit en quatre groupes :

2e année de médecine qui représente le premier contact avec le malade ;

3e année de médecine qui représente la première année de formation clinique ;

5e année de médecine qui représente la dernière année de formation clinique ;

2e année d’internat qui représente la fin de la formation pratique.

La population initiale visée par l’étude se compose de l’ensemble des étudiants de ces différentes cohortes, soit 750 étudiants. L’identification des personnes devant composer les différents groupes a été effectuée à partir des listes fournies par le service de scolarité de la faculté de médecine de Sousse. Les sollicitations à participer à l’enquête ont été effectuées par contact direct. Les personnes des différentes cohortes ont pu être sollicitées à trois reprises durant une période de deux mois.

Description de l’instrument de mesure et définition des variables

Le questionnaire d’enquête se subdivise en quatre sections portant respectivement sur :

la formation médicale, les raisons du choix de la carrière médicale et les perceptions des valeurs prédominantes véhiculées dans le milieu de formation ;

les soins de santé et les orientations en médecine ;

le rôle du médecin auprès des patients ;

les caractéristiques socio-démographiques des répondants.

Les échelles de mesure faisant l’objet du présent travail sont réparties à travers les sections du questionnaire. Certaines échelles de mesure ont déjà été soumises à des tests de validation lors de deux pré-enquêtes réalisées au cours de l’année universitaire 1994-1995 auprès d’étudiants et d’internes en médecine [12].

Analyse des données 

Fiabilité et validité des échelles de mesure : les attitudes adoptées par les futurs médecins sont mesurées à l’aide d’échelles composées d’au moins quatre énoncés. La composition des échelles est validée par des analyses factorielles. Les analyses comparatives ont été faites sur la base du score factoriel. Le seuil de 5 % a été retenu pour évaluer la signification statistique tout au long des analyses. L’analyse des données a été faite en utilisant le logiciel SPPS.

Résultats

La population finale, après trois sollicitations à participer à l’enquête, comprend 512 sujets, soit 67,5 % de la population ciblée. Les taux de non-répondants sont répartis à peu près de manière homogène entre les différentes cohortes.

Caractéristiques socio-démographiques des répondants

Ils sont en majorité des Tunisiens (96,8 %), issus d’un milieu urbain dans un cas sur deux. Quatre personnes sur 10 sont de sexe féminin. L’âge varie de 22 ans à 27 ans. Deux personnes sur trois déclarent qu’elles sont issues d’un niveau socio-économique moyen. Le niveau d’instruction des parents est très variable. La non-scolarisation varie de 10,4 % à 21,0 % chez les pères et de 21,7 % à 36,8 % chez les mères des étudiants enquêtés. Par contre, le niveau supérieur varie de 22,7 % à 47,9 % chez les pères et de 6,8 % à 22,4 % chez les mères (Tableau 1).

Attentes et perceptions des étudiants vis-à-vis de la formation médicale 

Les perceptions et les attentes des débutants (2e et 3e année) et des finissants (5e année de médecine et 2e année d’internat) à l’égard de l’humanisation des soins et des aspects biotechniques ont été évaluées par des échelles de 5 et de 4 items respectivement. Les répondants donnent, d’une part, leurs perceptions de l’importance accordée par la faculté de médecine à ces différents aspects de la formation médicale et expriment, d’autre part, leurs attentes face à l’importance qu’eux-mêmes souhaiteraient voir accorder par la faculté à ces mêmes aspects de la formation (Tableaux 2  & Tableaux 3). Ces données indiquent d’abord que les femmes et les hommes, qu’il s’agisse de débutants ou de finissants, perçoivent la formation médicale sensiblement de la même façon (score variant de -0,21 à 0,25). Seule une différence significative apparaît chez les internes (p < 0,05). À la sortie de la faculté, les femmes perçoivent que la faculté accorde plus d’importance aux aspects biotechniques que ne le font les hommes (score 0,25 chez les finissants de sexe féminin versus 0,01 chez leurs homologues de sexe masculin).

Les femmes et les hommes ont également des attentes comparables en ce qui a trait aux aspects biotechniques de la formation ; par contre, les attentes sont différentes lorsqu’il s’agit des aspects humains de la formation. Dans les différents moments de la scolarité (étudiants en 2e année, en 5e année et au moment de l’internat), les femmes possèdent des attentes plus élevées que les hommes à l’égard des aspects humains de la formation. Il faut noter par ailleurs que ces attentes s’affaiblissent au fur et à mesure que les étudiants avancent dans leur processus de formation. Les internes femmes échappent à cette règle.

Raisons du choix de la carrière médicale 

Deux dimensions composent cette échelle. La dimension intrinsèque correspond à l’utilisation des aptitudes personnelles, au développement des aptitudes scientifiques, à la possibilité de travailler avec les gens et d’être utile aux autres. La dimension extrinsèque se rattache au prestige, au revenu, à la sécurité escomptée. On note que les hommes accordent systématiquement plus d’importance que leurs collègues femmes aux aspects extrinsèques de la profession (Tableaux 2 et 3). Les différences sont présentes tout au long du processus de formation et sont plus prononcées chez les finissants (score 0,14 avec p < 0,01 chez les débutants et 0,30 avec p < 0,001 chez les finissants).

Par ailleurs, les hommes et les femmes accordent une importance assez comparable en ce qui a trait aux aspects intrinsèques de la profession. Bien que le score obtenu par les femmes soit supérieur à celui des hommes, les différences ne sont pas statistiquement significatives.

Attitudes professionnelles

Notre question d’intérêt est de savoir si les femmes accordent plus d’importance que leurs confrères masculins à l’éducation des patients, aux comportements psychosociaux de leur rôle, à la prévention et à l’approche centrée sur le patient (Tableau 4). Les résultats indiquent des différences d’attitudes significatives entre les femmes et les hommes des trois dernières cohortes. Les étudiants de 2e année n’ayant pas de contact avec les malades ont été exclus. Les femmes accordent en général plus d’importance que les hommes à l’éducation des patients, bien que cette différence ne soit statistiquement significative qu’en 5e année. Elles accordent plus d’importance que leurs confrères masculins aux aspects psychosociaux du traitement, ainsi qu’à l’orientation sur le patient. Par ailleurs, elles possèdent des scores équivalents en ce qui concerne la prévention en situation clinique. Elles sont même devancées par les hommes en fin de formation et cette différence est statistiquement significative (p < 0,05). L’intérêt pour la globalité des soins diminue au fur et à mesure que les étudiants avancent dans le cursus de formation.

Au total, les écarts entre les femmes et les hommes sont nettement marqués en ce qui a trait aux différentes dimensions de la globalité des soins : les aspects psychosociaux du traitement, l’éducation sanitaire, l’approche centrée sur le patient (en faveur des femmes) et la prévention en situation clinique (en faveur des hommes). En fin de formation, les femmes aussi bien que leurs collègues masculins accordent systématiquement moins d’importance à ces différentes facettes qu’en début de formation. Les orientations préventives échappent à cette règle. On assiste à un regain d’intérêt dans ce domaine au fur et à mesure que la formation avance.

Bien que les données avancées soient cohérentes avec une influence positive du sexe féminin sur les attitudes des médecins vis-à-vis de la globalité des soins, plusieurs facteurs confondants peuvent entrer en ligne de compte dans cette relation. Nous avons pu explorer les corrélations entre les attitudes professionnelles et certaines variables socio-démographiques (l’origine socio-économique, le niveau d’instruction des parents) et le moment du choix de la médecine comme profession.

Facteurs associés aux différences d’attitudes professionnelles

Aucune différence statistiquement significative n’est décelée entre les scores des différentes échelles d’attitudes après avoir bloqué l’effet du sexe. Le niveau de scolarité des pères ne semble pas intervenir dans les différences d’attitudes observées lors de la première phase d’analyse. Par contre, comme le montre le tableau 5, il s’avère que seuls les étudiants dont la mère est d’un niveau de scolarité secondaire ou universitaire ont significativement des attitudes plus orientées vers l’éducation des patients. Cette différence d’attitude s’observe plutôt chez les étudiantes que chez les étudiants avec p < 0,001 (Tableau 5).

Lorsqu’on prend en compte l’origine socio-économique dans l’analyse, il existe une différence d’attitude concernant les quatre composantes de la globalité des soins. Les scores factoriels moyens des étudiants issus d’un milieu socio-économique supérieur à la moyenne sont plutôt faibles comparés aux étudiants issus d’un niveau socio-économique en dessous de la moyenne. Les différences enregistrées n’atteignent le degré de signification que pour la dimension « aspects psychosociaux du traitement » avec p < 0,001 (Tableau 6).

L’analyse montre que les étudiants qui choisissent très tôt de faire carrière en médecine, à un âge inférieur à 15 ans, ont des attitudes beaucoup plus favorables quant à l’éducation sanitaire, l’approche psychosociale et l’orientation sur le patient (Tableau 7). Néanmoins, la différence n’est statistiquement significative que pour les deux dernières dimensions. Ces différences persistent lorsqu’on introduit la variable sexe. Le moment pendant lequel on décide de choisir la médecine comme carrière semble être un facteur contributif dans la genèse des attitudes professionnelles.

Discussion

Il est à noter que nous avons étudié les attitudes des futurs médecins plutôt que leurs comportements cliniques. Ainsi nos résultats n’impliquent pas nécessairement que les femmes médecins ont des comportements cliniques qui sont différents de ceux des futurs médecins hommes. Toutefois, ceci semble vraisemblable puisque plusieurs différences de comportements cliniques sont déjà documentées dans d’autres études.

Un autre point méthodologique concerne les non-répondants. Malgré la sollicitation à participer à l’enquête, nous n’avons pu joindre que 67,5 % de la population visée. Cette difficulté est mentionnée dans la plupart des travaux de ce genre. Elle ne semble pas entraver la qualité de nos résultats, d’autant plus que la répartition des non-répondants est à peu près homogène à travers les différents groupes.

À leur entrée à la faculté de médecine, les étudiants se révèlent animés d’un grand idéalisme qui leur inspire le désir de s’occuper des autres, d’être avec eux, de les protéger, de leur prêter attention et de subvenir à leurs besoins avec compassion, tendresse et sentiment de devoir et de respect et non d’indifférence. Mais il s’avère qu’au fur et à mesure que les étudiants avancent dans leurs études, cet intérêt s’affaiblit peu à peu pour laisser émerger un nouvel intérêt pour les aspects biotechniques de la profession qu’Eron désigne par l’ « augmentation du cynisme » des étudiants au cours de leur formation [3]. Le service offert par ces futurs médecins risque alors de ne correspondre que rarement à la vraie tâche du médecin et leur fonction sera de plus en plus limitée, professionnellement menacée et idéologiquement contestée. Dans notre étude, nous avons noté une baisse de l’intérêt pour les différentes dimensions de la globalité des soins, au fur et à mesure que les étudiants avancent dans leurs études. Au début de la formation clinique, les scores sont assez élevés, mais ils deviennent de plus en plus faibles à travers les années d’études.

Les étudiants enquêtés pensent que la faculté de médecine accorde plus d’importance aux aspects biotechniques de leur future profession qu’à ceux humanitaires, et cette perception se renforce au fur et à mesure qu’ils avancent dans leurs études. Il semble que la formation médicale soit impliquée dans « l’augmentation du cynisme ». D’après Reilly, rien dans les écoles de médecine ne peut encourager chez les étudiants compassion et empathie [11]. L’enseignement, d’après Rezler [13] et Mahler [14], est focalisé, d’une part, sur les centres hospitalo-universitaires, visant des cas exceptionnels et des maladies rares, et d’autre part, sur l’université qui, désormais, ne semble fournir qu’un savoir fragmenté et juxtaposé, conduisant tout droit à la spécialisation.

Par ailleurs, et malgré cette détérioration des attitudes constatées, un regain d’intérêt pour la prévention en situation clinique est noté. Maheux, Dufort et Beland n’ont pas rapporté les mêmes résultats puisqu’aucune détérioration n’a été notée spécialement chez les étudiants à orientation préventive [15]. Rezler, de son côté, voit que seul l’aménagement de la fonction préventive lutte contre le cynisme [13].

Notre enquête révèle qu’à leur entrée à la faculté de médecine, nos enquêtées féminines se montrent animées par plus d’idéalisme que leurs collègues masculins, et quoiqu’elles obéissent au « processus de déshumanisation », elles restent à la fin de leurs études encore plus animées d’idéalisme que leurs collègues masculins. Ces résultats confirment ceux de l’étude de Leserman [16] et de Maheux, Dufort et Beland [15].

En plus, elles accordent plus d’importance à l’éducation des patients (bien que cette différence ne soit statistiquement significative qu’en 5e année d’études médicales) et aux aspects psychosociaux du traitement. Leserman [16], Maheux, Dufort et Beland [15] et Shapiro, Mc Grath et Anderson [17] ont retrouvé des résultats pareils.

D’un autre côté, les femmes perçoivent de façon différente leur rôle professionnel. En effet, l’aspect intrinsèque est mieux apprécié par elles que par les hommes. Elles aiment plus aider, écouter et travailler avec les gens. Par contre, elles attribuent moins d’importance aux composantes extrinsèques de leur rôle, notamment le prestige et la sécurité au poste. Ces résultats sont conformes à l’étude de Scadron et al. [2].

L’étude des autres facteurs confondants, pouvant entrer en ligne de compte avec l’influence positive du facteur sexe, montre : 1) une tendance significative vers l’approche psychosociale pour les étudiants dont la mère est d’un niveau de scolarité élevé ; 2) que les étudiants qui choisissent d’être médecin à un âge inférieur à 15 ans ont des attitudes beaucoup plus favorables quant à l’éducation sanitaire, à l’approche psychosociale et à l’orientation centrée sur le patient. Ces différences persistent lorsqu’on introduit la variable sexe. Le moment auquel on décide d’être médecin semble être un facteur contributif dans la genèse des attitudes professionnelles.

Conclusion

Cette étude éclaire partiellement le débat sur l’entrée massive des femmes en médecine. Elle permet de documenter l’effet bénéfique de cette tendance sur un aspect important de la pratique médicale, à savoir la globalité des soins (éducation sanitaire, aspects psychosociaux, prévention, etc.).

Les écarts entre les femmes et les hommes sont nettement marqués pour ce qui a trait aux différentes dimensions de la globalité des soins : les aspects psychosociaux du traitement, l’éducation sanitaire, l’approche centrée sur le patient et la prévention en situation clinique. En fin de formation, les femmes et les hommes accordent systématiquement moins d’importance à ces différentes facettes qu’en début de formation. Les orientations préventives échappent à cette règle ; on assiste à un regain d’intérêt dans ce domaine au fur et à mesure que la formation avance.

Bien que la nature transversale de l’enquête ne permette pas d’attribuer automatiquement les variations observées entre les différentes cohortes à la nature du cursus des études médicales, ces résultats ne peuvent être expliqués, du moins en partie, que par les lacunes de la formation médicale, puisqu’au fur et à mesure que les étudiants avancent dans leurs études, les scores deviennent de plus en plus faibles. Ainsi, on peut supposer que l’entrée massive des femmes en médecine, bien que celles-ci soient animées d’un grand idéalisme à l’entrée, n’entraînera pas nécessairement l’émergence d’une conception plus globale du rôle du médecin.

Références

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