Apports alimentaires durant le mois de ramadan chez le patient diabétique de type 2 marocain

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Research article

M. Sebbani,1 N. El Ansari,2 G. El Mghari 2 et M. Amine 1

المدخول الغذائي أثناء شهر رمضان لدى المغاربة السكريين من النمط الثاني

ماجدا صباني، نوال الأنصاري، غزلان طبيب المغاري، محمد أمين

الخلاصـة: تهدف هذه الدراسة المستعرضة لتقييم المدخول اليومي من الطعام لدى السكريين من النمط الثاني الذين كانوا يراجعون المستشفى الجامعي محمد السادس في مراكش خلال شهر رمضان الموافق لعام 2010. وقد جمع الباحثون المعطيات الاجتماعية والديموغرافية والسريرية عن طريق المقابلات، واستندوا على الجداول التغذوية الفرنسية في حساب المدخول الكمي والكيفي من الطعام، مع تقييم من قبل اختصاصيين بالتغذية. وكان من بين المرضى المشمولين بالدراسة وعددهم 71 مريضاً، 55 يصومون. وكان العمر الوسطي للمشاركين 56.3 (±11.2) عاماً. ولم تشاهد اختلافات سريرية ذات أهمية يُعْتَد بها إحصائياً بين مجموعة الصائمين ومجموعة غير الصائمين باستثناء معدلات فرط الوزن، والبدانة، والاعتماد على الأنسولين، والتي كانت أكثر شيوعاً بين المجموعة من غير الصائمين. وبلغ وسطي المدخول اليومي من الكالوري لدى الصائمين 1447.5 (±756.3) كيلو كالوري، وهو أقل بمقدار يُعْتَدُّ به إحصائياً مما لدى غير الصائمين 1919 (±823.4) كيلو كالوري، كما كان كل من المدخول من الكربوهيدرات والدسم والبروتينات كذلك؛ وبلغ مدخول الكربوهيدرات لدى الصائمين %57 ولدى غير الصائمين %56 من مجمل الكالوري المتناول. وعلى وجه الإجمال، فإن النظام الغذائي خلال رمضان كان أقل لدى مجموعة الصائمين من حيث الكالوري ولا يكاد يكفي، بينما كان لدى غير الصائمين كثيراً، مما يضعهم عرضة لخطر المضاعفات. وقد يحتاج الأمر للتثقيف التغذوي للمرضى السكريين في رمضان.

RÉSUMÉ La présente étude transversale visait à évaluer les apports alimentaires journaliers chez les diabétiques de 
type 2 consultant au CHU Mohamed VI de Marrakech pendant le ramadan en 2010. Les données sociodémo­graphiques et cliniques ont été collectées lors d’entretiens. L’appréciation des apports alimentaires qualitatifs et quantitatifs, basée sur les tables nutritionnelles françaises, a été effectuée par une diététicienne. Sur les 71 patients inclus, 55 % observaient le jeûne. La moyenne d’âge des participants était de 56,3 ans (ET 11,2). Il n’y avait pas de différences cliniques statistiquement significatives entre le groupe des jeûneurs et celui des non-jeûneurs, sauf pour le surpoids/l’obésité et la dépendance à l’insuline qui étaient plus fréquents chez les non-jeûneurs. L’apport calorique total journalier était significativement plus bas chez les jeûneurs que chez les non-jeûneurs (1447,5 [ET 756,3] kcal/j contre 1919,0 [ET 823,4] kcal/j), de même que l’apport en glucides, lipides et protides. L’apport en glucides représentait 57 % et 56 % de l’apport calorique total. Globalement, le régime alimentaire des jeûneurs durant le ramadan était hypocalorique et inadéquat alors que celui des non-jeûneurs était excessif, les exposant au risque de complications, d’où la nécessité d’une éducation nutritionnelle du patient diabétique adaptée à ce mois.

Food intake during the month of Ramadan in Moroccan patients with type 2 diabetes

ABSTRACT This cross-sectional study aimed to assess the daily dietary intake of type 2 diabetes patients attending Mohamed VI hospital in Marrakech during Ramadan 2010. Sociodemographic and clinical data were collected by interview, and qualitative and quantitative food intake, based on French nutritional tables, was assessed by a dietician. Of the 71 patients recruited, 55% were fasting. The average age of participants was 56.3 (SD 11,2) years. There were no statistically significant clinical differences between the fasting and nonfasting groups except for overweight/obesity and insulin dependence, which were more prevalent in the nonfasting group. The mean total daily caloric intake was significantly lower in the fasting than nonfasting group [1447.5 (SD 756.3) versus 1919.0 (SD 823.4) Kcal/d], as was the carbohydrate, lipid and protein intake. Carbohydrate intake was 57% and 56% of total calories. Overall during Ramadan the diet of the fasting group was calorie deficient and inadequate while for non-fasters it was excessive, which put them at risk of complications. Nutritional education may be needed for diabetic patients for Ramadan.


1Laboratoire d’Épidémiologie, Laboratoire de Recherche PCIM (Pneumo-cardio-immunopathologie et Métabolisme), Faculté de Médecine et de Pharmacie, Centre hospitalier universitaire (CHU) Mohammed VI - Université Cadi Ayyad, Marrakech (Maroc) (Correspondance à adresser à M. Sebbani : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.).
2Service d’Endocrinologie, Diabétologie et Maladies métaboliques, Hôpital Ibn Tofail, CHU Mohammed VI, Marrakech (Maroc).
Reçu : 29/05/12 ; accepté : 08/07/12
EMHJ, 2013, 19(3):276-281

Introduction

Le jeûne durant le mois de ramadan est le rite religieux le plus observé par les musulmans. Il se caractérise par une privation hydrique et énergétique de l’aube au coucher du soleil, dont la durée varie de 12 h à 18 h par jour

durant tout le mois sacré. Cette interdiction de boire et de manger n’est valable que pour les personnes en bonne santé dont le jeûne n’est pas susceptible d’entraîner une altération quelconque de leur santé. De ce fait, la religion autorise les musulmans porteurs de maladies les empêchant d’accomplir le jeûne de s’en abstenir pour préserver leur santé, et le leur conseille. Le diabète est l’une des pathologies qui exempte le musulman de jeûner du fait des risques encourus de complications et de décompensation. Mais malgré les recommandations [1], les patients diabétiques sont souvent réticents et décident d’observer le jeûne à l’encontre des prescriptions médicales et des autorisations religieuses [2,3]. Le diabète de type 2 est une pandémie mondiale qui n’épargne pas la région du Maghreb. À Marrakech, on compte 20 240 patients diabétiques de

type 2 (sur un total de 1 190 000 habitants) reconnus dans le cadre du programme national de lutte contre le diabète dans le réseau ambulatoire (données non publiées 2010). Selon les estimations, plus de 50 millions de diabétiques musulmans dans le monde jeûnent chaque année durant le mois de ramadan [2].

La gestion du patient diabétique durant ce mois revêt une importance particulière à cause des changements cruciaux du mode de vie et du régime alimentaire aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif. Les apports alimentaires sont exclusivement nocturnes et caractérisés dans notre contexte par une surconsommation de produits sucrés et de préparations grasses. Ces modifications alimentaires ont des conséquences directes hormonales et métaboliques telles que la déshydratation, l’hypoglycémie et l’hyperglycémie nocturne.

Pour toutes ces raisons, beaucoup d’auteurs se sont intéressés depuis quelques années à l’étude de l’effet du jeûne chez le diabétique et à l’évaluation des apports alimentaires durant ce mois en particulier [4-7]. Cela est très intéressant pour les professionnels dans la mesure où celles-ci constitueront une base pour l’élaboration de conseils hygiéno-diététiques adaptés à prodiguer aux patients. Comme pour toutes les pathologies chroniques, l’éducation du patient diabétique, encore plus durant ce mois, est l’un des piliers essentiels de la prise en charge de la maladie et de la prévention de ses complications. Ceci vaut particulièrement dans notre contexte, en l’absence d’un programme d’éducation thérapeutique national.

L’objectif de l’étude était d’évaluer les apports alimentaires journaliers pendant le mois de ramadan chez les diabétiques de type 2 jeûneurs et non jeûneurs consultant au Centre hospitalier universitaire (CHU) Mohamed VI afin de détecter les erreurs alimentaires commises durant ce mois.

Méthodes

Il s’agissait d’une étude observationnelle transversale à visée descriptive menée au cours du mois de ramadan et ayant inclus les patients diabétiques de type 2 consultant au niveau du service d’endocrinologie et de diabétologie du CHU Mohamed VI. Tous les patients consultant durant la période de l’étude, qui coïncidait avec le mois d’août 2010, et ayant manifesté leur consentement oral de participation ont été inclus sauf ceux dont la maladie avait été diagnostiquée depuis peu.

La collecte des renseigne-ments concernant les données sociodémographiques des participants (âge, sexe, situation matrimoniale, profession, niveau d’étude), les antécédents, l’histoire du diabète, son traitement, les complications associées et les facteurs de risque (tabagisme, sédentarité) a été effectuée par le médecin traitant lors d’entretiens dirigés en face à face à l’aide d’un questionnaire préétabli contenant des questions fermées. L’examen clinique a été effectué par le médecin traitant et a permis de préciser le poids et la taille des malades.

L’enquête alimentaire utilisant la méthode du semainier par questionnaire de fréquence de consommation a été effectuée dans un second temps par une diététicienne formée lors d’entretiens semi-directifs d’une durée moyenne de 20 minutes pour chaque patient. Les patients ont été informés des objectifs de l’étude et invités à décrire la composition et le mode de préparation des aliments qu’ils consommaient pendant les différents repas : petit déjeuner, collation de 10 h et 16 h, déjeuner, ftour (iftar) et souhour quand le patient était non-jeûneur, sinon les repas du ftour, dîner et souhour pour les diabétiques jeûneurs. Les enquêtes nutritionnelles ont été effectuées par la même diététicienne et l’appréciation des apports alimentaires qualitatifs et quantitatifs s’est basée sur les tables nutritionnelles françaises.

La saisie, la validation et l’analyse des données ont été effectuées à l’aide du logiciel SPSS version 10 en français. L’analyse a été de type descriptif et a consisté au calcul des effectifs et pourcentages pour les variables qualitatives, et des mesures de tendance centrale et de dispersion pour les variables quantitatives.

L’analyse bivariée a fait appel aux techniques usuelles de comparaison de moyennes et de comparaison de pourcentages. Le test t de Student a été utilisé pour la comparaison de deux moyennes de deux distributions gaussiennes, et le test du χ2 pour la comparaison de deux proportions. Le seuil de significativité statistique a été fixé à 0,05.Résultats

Description sociodémographique et clinique des participants

Au total, nous avons inclus 71 patients dont 55 % observaient le jeûne. L’âge moyen de nos participants était de 56,3 ans (écart type [ET] 11,2). Le sex ratio femmes/hommes était de 2,9. Seulement le tiers des participants étaient instruits, parmi lesquels 48,1 % avaient un niveau d’étude secondaire. La moyenne de l’indice de masse corporelle (IMC) était de 27,8 (ET 5,25) kg/m² avec 70 % de patients en surcharge pondérale ou obèses et une proportion de sédentarité de 84,5 %. Le diabète qui avait une moyenne d’ancienneté de 8,3 ans (ET 6,8) était traité par les antidiabétiques oraux dans 69 % des cas. Plus des deux tiers des patients avaient des complications associées, dont la neuropathie a+u premier rang avec une proportion de 70,4 %. L’hypertension artérielle (HTA) était présente chez 46 % des patients. Chez 63 % des patients qui avaient réalisé un dosage de l’hémoglobine glyquée (HbA1c), la valeur moyenne était de 8 % avec un écart type de 1,6 ; les patients équilibrés (HbA1c ≤ 7 %) représentaient 18,3 %. Le tableau 1 résume les caractéristiques sociodémographiques et cliniques des patients enquêtés.

Analyse qualitative et quantitative des apports alimentaires

La majorité des patients rapportaient le sentiment de changement de leur mode de vie durant le ramadan (97 %) ; cette proportion était de 76 % chez ceux qui observaient le jeûne contre 46,7 % dans l’autre groupe. Les jeûneurs prenaient en moyenne 2,8 repas par jour (ET 0,38). Pour les diabétiques de type 2 non jeûneurs, le nombre de repas était de 4,7 (ET 0,94). Le repas du souhour n’était pas respecté dans une proportion de 16 % chez les non-jeûneurs. Cette même proportion était observée chez les non-jeûneurs qui, au contraire, prenaient le souhour et prenaient de façon régulière tous les repas. La figure 1 représente la proportion des patients par repas.

19-3-10-F1

L’apport calorique journalier chez les non-jeûneurs était plus élevé que chez ceux qui ont jeûné (p = 0,016). Les trois classes de nutriments ‒ glucides, lipides et protides ‒ étaient consommés beaucoup plus par les patients qui n’observaient pas le jeûne (p = 0,05, p = 0,016 et p = 0,006 respectivement) alors que les apports en cholestérol et en fibres ne différaient pas entre les deux groupes de patients (Tableau 2 ). La proportion des patients qui consommaient moins de 1200 kcal/j était de 31,2 %. Cette proportion était de 47,5 % chez les jeûneurs et de 15,0 % chez les non-jeûneurs. L’analyse de la quantité des nutriments par rapport à l’apport calorique total journalier a montré que les glucides représentaient 57 % chez les jeûneurs et 56 % chez les non-jeûneurs, les lipides représentaient une proportion de 17 % chez les deux groupes de patients, alors que la proportion des protéines était respectivement de 26 % et 27 %.

Discussion

Les résultats de notre étude ont montré que le profil clinique des patients ayant observé le jeûne ne différait pas de celui des non-jeûneurs. Les patients ayant décidé de jeûner étaient relativement plus âgés : en effet, l’âge est un facteur connu associé à des croyances religieuses plus pressantes et donc une observation du jeûne plus élevée [8]. La majorité des patients de ce groupe avait des complications dégénératives associées (69,2 %), presque 40 % étaient en surcharge pondérale et 25,6 %

étaient en déséquilibre glycémique. Ceci va à l’encontre des recommandations internationales sur le ramadan élaborées entre experts religieux de l’Islam et médecins spécialistes, diabétologues et généralistes [1] et qui s’opposent au jeûne du sujet diabétique déséquilibré, obèse, ou porteur d’affection intercurrente ou de complications dégénératives. Ces recommandations insistent sur le fait que le sujet diabétique est plus à risque de complications durant le mois de ramadan. Les résultats des études dans la littérature concernant les effets du jeûne chez les diabétiques sont discordants. L’hypoglycémie, l’hyperglycémie et la déshydratation sont les plus rapportées. La variabilité des risques peut expliquer en partie les difficultés que rencontrent les médecins quand il s’agit de définir des critères rationnels précis et de donner aux personnes diabétiques des consignes concernant le respect ou non du jeûne [9]. D’après Al-Arouj et al., le jeûne du diabétique de type 2 s’accompagne d’un défaut d’adaptation de l’organisme qui risque d’induire un déséquilibre glycémique et particulièrement une hyperglycémie, surtout en cas de carence importante ou de résistance à l’insuline [2]. Selon Salti et al. qui ont mené une étude auprès de 12 914 patients diabétiques musulmans originaires de 13 pays dont le Maroc, parmi lesquels 78 % de diabétiques de type 2 (non insulinodépendants), le risque d’hypoglycémie sévère serait de 7,5 chez les diabétiques de type 2 [10]. D’autres auteurs n’ont pas prouvé cet effet [11]. Dans notre contexte, et d’après une étude préalable réalisée à Marrakech par Ouhdouch et al., le jeûne s’est avéré majoritairement possible, sans effet délétère sur l’équilibre glycémique et sans survenue de complications métaboliques aiguës, hypoglycémies ou céto-acidoses, mais il faut noter qu’un tiers des patients était en équilibre glycémique avant le ramadan [12].

La modification brutale du rythme de vie et des habitudes alimentaires durant ce mois induit des modifications métaboliques chez les sujets du fait des modifications de répartition tant quantitative que qualitative de la prise alimentaire [13]. Selon les estimations de Salti et al., chez la moitié des patients enquêtés, le ramadan s’accompagne d’un changement de mode de vie avec notamment moins d’activité physique, plus de sommeil, une alimentation plus abondante et plus riche (surtout en sucres), moins de boissons et une modification des doses et rythmes des médicaments (ce qui se traduit par une moins bonne adhésion au traitement) [10]. Ces modifications concernent bien évidemment le nombre et les horaires des repas, ainsi que la composition et la répartition calorique quotidienne. Dans notre étude, les jeûneurs consommaient en moyenne 2,8 repas par jour (ET 0,38). Cette fréquence de la prise alimentaire concorde avec les données de Bouguerra et al. qui avaient trouvé une moyenne de 2,8 repas/j (ET 0,5) [4]. Le repas du souhour était sauté dans notre étude dans 16 % des cas chez les jeûneurs. Or ce repas revêt une importance particulière, et il est recommandé de le respecter et d’y consommer des aliments glucidiques à index glycémique bas afin de couvrir les besoins glucidiques le plus longtemps possible dans la matinée [2]. Pour les diabétiques de type 2 non jeûneurs, le nombre de repas était de 4,7 (ET 0,94) dans notre étude. Les recommandations sont de trois repas par jour de façon régulière afin de ménager le pancréas et de maintenir un poids stable ; des collations sont autorisées dans certaines situations comme une activité physique importante. Presque la moitié de nos patients prenaient régulièrement la collation de 10 heures et celle de 16 heures, même si seulement 9,4 % d’entre eux pratiquaient une activité physique régulière.

En ce qui concerne les apports alimentaires durant ce mois, les résultats des études sont contradictoires. Cependant, la majorité retrouve une diminution de l’apport calorique total [14,15]. L'étude de Bouguerra et al. retrouve un apport calorique journalier de 1981 kcal/j pendant le ramadan [4], mais d’autres études ont retrouvé une augmentation de la ration calorique quotidienne [16,17]. Ces résultats contradictoires peuvent s’expliquer par une durée de jeûne diurne différente d’une année à l’autre et d’une région à l’autre d’une part, et par les caractéristiques culinaires et habitudes alimentaires largement disparates entre pays d’autre part. L’apport calorique journalier chez les non-jeûneurs était plus élevé que chez les

jeûneurs (p = 0,016). Dans notre étude, ces derniers avaient une moyenne de 1447,5 (ET 756,3) kcal/j. En comparaison avec les besoins énergétiques journaliers, le régime de nos enquêtés jeûneurs était hypocalorique ((1447,5 [ET 756,3] kcal/j versus 1821 [ET 300]) alors que celui des diabétiques non jeûneurs était hypercalorique (1919 [ET 823] kcal/j versus 1774 [ET 251] kcal/j). La proportion des patients qui consommaient moins de 1200 kcal/j ‒ seuil recommandé pour éviter tout risque de dénutrition [18] ‒ était de 31,2 %. Cette proportion était de 47,5 % chez les jeûneurs et de 15,0 % chez les non-jeûneurs.

La répartition en nutriments connaît aussi une modification au cours du jeûne, mais là encore les résultats sont discordants [15,19]. L’apport des trois classes de nutriments glucides, lipides et protides était beaucoup plus élevé chez les patients qui n’observaient pas le jeûne (p = 0,05, p = 0,016 et p = 0,006 respectivement). Les chiffres chez nos enquêtés jeûneurs sont plus bas par rapport à ceux rapportés par Bouguerra et al. L’apport en glucides était de 207,3 (ET 122,9) g/j (versus 231,8), l’apport en lipides de 41,3 (ET 21,8) g/j (versus 85), l’apport en protides de 61,8 (ET 30,5) g/j (versus 73,9), et la moyenne de l’apport alimentaire en cholestérol était de 146 (ET 113,4) mg/j contre 435 mg/j selon l’étude tunisienne [4]. Cet écart entre les résultats est un reflet de la différence de composition des repas entre les deux pays. Dans notre étude, les glucides représentaient 57 % et 56 % de l’apport calorique total chez les jeûneurs et chez les non-jeûneurs respectivement, ce qui est au-dessus des recommandations. Un apport minimum de 130 g/j de glucides sans dépasser 50-55 % de l’apport calorique total est recommandé pour réduire les risques d’acidocétose et pour combler les besoins du cerveau et du système nerveux central. D’autres n’autorisent que 50 % de l’apport calorique total, soit un minimum de 180 g/j [18]. Cet excédent d’apport glucidique vient au détriment de l’apport en fibres ; en effet, il est recommandé d’en consommer entre 25 et 35 g par jour. Nos résultats montrent que leur consommation journalière chez nos patients était de 21,5 g chez les jeûneurs et de 26,0 g chez les non-jeûneurs, quantités raisonnables mais insuffisantes.

Au final, notre étude revêt un intérêt car c’est la première de son genre à s’intéresser au volet nutritionnel du jeûne du diabétique. Les résultats reflètent les erreurs alimentaires commises par nos patients durant le ramadan : apports glucidique et calorique insuffisants et carencés pour les jeûneurs et au-dessus des normes pour les non-jeûneurs, ce qui les expose au risque de complications. Ces données témoignent de la complexité de la gestion du diabétique qui est difficile même en temps normal. Une préparation avant le ramadan et une approche éducative continue du malade depuis le diagnostic de sa maladie sont recommandées [20], avec une prise en charge éducative accentuée et adaptée au contexte local et à la table marocaine pendant le mois sacré.

Références

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